Bulletin Officiel n° : 2378 du 23/05/1958 - Page : 806
Dahir n° 1-57-343 du 28 rebia II 1377 (22 novembre 1957) portant application des
Livres I et II du code de statut personnel et des successions
LOUANGE A DIEU SEUL !
(Grand sceau de Sidi Mohammed ben Youssef)
Que l'on sache par les présentes puisse Dieu en élever et en fortifier la teneur !
Que Notre Majesté Chérifienne,
Vu le dahir n° 1-57-190 du 22 moharrem 1377 (19 août 1957) portant création d'une commission chargée d'élaborer un code de droit musulman
Vu les délibérations de la commission qui à l'unanimité, a décidé de présenter un projet de code du mariage et de sa dissolution,
A DECIDE CE QUI SUIT :
Il sera procédé à la publication d'une série de livres ayant pour objet le statut personnel et dont l'ensemble constituera un code qui aura pour titre : Code du statut personnel et des successions.
Les dispositions des livres I et II annexés au présent dahir et ayant trait, le premier, au mariage et le second à sa dissolution, seront applicables dans tout le territoire de Notre Royaume, à dater du 1er janvier 1958.
Les principes du droit musulman précédemment en vigueur, s'appliquent jusqu'à solution définitive du litige, à toutes les affaires soumises aux tribunaux des cadis avant la publication du présent dahir.
Sont abrogées à partir de la date d'application du présent dahir toutes dispositions contraires ou non conformes à celles des livres I et II visés à l'article 2 ci-dessus.
Fait à Rabat, le 28 rebia II 1377 (22 novembre 1957)
Enregistré à la présidence du Conseil,
Le 28 rebia II 1377 (22 novembre 1957)
BEKKAÏ
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Code du Statut Personnel et des Successions
LOUANGE A DIEU SEUL !
Livre Premier
Du mariage
Chapitre Premier
Des fiançailles et du mariage
Article 1
Le mariage est un contrat légal par lequel un homme et une femme s'unissent en vue d'une vie conjugale commune et durable.
Il a pour but la vie dans la fidélité, la pureté et le désir de procréation par la fondation, sur des bases stables et sous la direction du mari, d'un foyer permettant aux époux de faire face à leurs obligations réciproques dans la sécurité, la paix, l'affection et le respect mutuel.
Article 2
Les fiançailles ne constituent qu'une promesse de mariage.
Il en est de même de la récitation de la Fatiha (chap. 1er du Coran) et des pratiques admises par l'usage en fait d'échange de cadeaux.
Article 3
Chacun des fiancés a le droit de rompre les fiançailles .Le prétendant peut alors demander la restitution des cadeaux, à moins que la rupture ne lui soit imputable.
Chapitre II
Des éléments constitutifs du mariage et des conditions requises pour sa validité
Article 4
1. Le mariage est valablement conclu par l'échange de consentement des parties, exprimé en termes consacrés ou à l'aide de toute expression admise par l'usage ;
2. Pour toute personne se trouvant dans l'impossibilité de s'exprimer, le consentement résulte valablement d'un écrit si l'intéressé est lettré, sinon de tout signe impliquant d'une façon certaine un consentement de sa part.
1. La validité de l'acte de mariage est subordonnée à la présence simultanée de deux adoul (notaires) pouvant attester de l'échange des consentements entre le futur époux, ou son représentant, et le wali dûment mandaté par la future.
2. La fixation d'un sadaq (dot) donné par le mari à l'épouse, est obligatoire. Tout accord impliquant la suppression de ce sadaq est interdit.
3. A titre exceptionnel, le juge peut connaître de toute contestation entre époux découlant d'un mariage célébré en dehors des formes prévues par l'alinéa 1° ci-dessus, et admettre à cet effet tous moyens de preuve.
Chacun des futurs conjoints doit être sain d'esprit, pubère et exempt de tous empêchements légaux.
Le juge peut autoriser le mariage du dément ou du simple d'esprit sur rapport d'un conseil de médecins psychiatres établissant que le mariage peut être salutaire à ce malade, à condition que l'autre partie soit informée de la maladie et donne son consentement au mariage.
L'aptitude au mariage s'acquiert :
1. Pour l'homme, à dix-huit ans révolus ;
Cependant, si de graves difficultés sont à craindre, le cas est soumis au juge en vue de l'obtention d'une dispense d'âge ;
2. Pour la femme, à quinze ans révolus.
Le mariage avant l'âge de la majorité légale est subordonné à l'accord du wali (tuteur matrimonial) ; si ce dernier le refuse et si le désaccord persiste entre les parties, le juge est saisi.
1. Le wali agissant pour sa pupille et le futur époux peuvent donner mandat en vue de la conclusion du mariage.
2. Le juge ne peut se charger personnellement de conclure, soit pour lui-même, soit pour ses ascendants ou descendants, le mariage d'une personne soumise à sa tutelle.
Chapitre III
De la tutelle matrimoniale
Les tuteurs matrimoniaux (awlya) sont, par ordre de priorité :
- le fils ;
- le père ou le tuteur testamentaire désigné par lui ;
- le frère ;
- le fils du frère ;
- le grand-père paternel,
- et ainsi, de proche en proche, suivant le degré de parenté, la qualité de germain devant l'emporter sur toute autre ;
- le parent nourricier ;
- le juge,
enfin, tout membre de la communauté musulmane.
Tout tuteur doit être de sexe masculin, doué de discernement et majeur.
1. La tutelle matrimoniale est organisée au profit de la femme ; le wali ne peut la donner en mariage que si elle lui donne pouvoir à cette fin, sauf dans le cas de contrainte matrimoniale (djebr) mentionné ci-après.
2. La femme ne conclut pas elle-même l'acte de mariage mais s'y fait représenter par le wali qu'elle aura délégué à cet effet.
3. La tutrice testamentaire (ouasia) doit déléguer un mandataire mâle pour contracter mariage au nom de sa pupille.
4. Le wali, qu'il soit le père ou non, ne peut obliger la fille nubile, même vierge, à contracter mariage sans qu'elle ait donné son consentement et son autorisation préalables, à moins qu'une mauvaise conduite soit à craindre de sa part ; dans ce cas, le .juge a le droit de la contraindre au mariage avec un homme de condition équivalente à la sienne et apte à assurer son entretien.
Si le wali s'opposait abusivement au mariage de la femme placée sous sa tutelle, le juge lui ordonnerait de la marier. En cas de refus, le juge la donne lui-même en mariage moyennant une dot de parité à un homme de condition équivalente à la sienne.
1. Seuls, l'épouse et le wali peuvent invoquer le droit à l'équivalence de condition, requise pour la validité du mariage. ;
2. L'équivalence de condition des époux est prise en considération lors de la conclusion du mariage et appréciée suivant les usages établis. ;
La règle fixée par l'usage quant au rapport qui doit exister entre l'âge du prétendant et celui de la future épouse, n'est édictée qu'au profit de la future.
Chapitre IV
Du sadaq (dot)
Le sadaq consiste en tout bien donné par le mari et impliquant de sa part le ferme désir de contracter mariage en vue de créer un foyer et de vivre dans les liens d'une affection mutuelle.
1. Tout ce qui peut être légalement l'objet d'une obligation peut servir de sadaq ;
2. Le sadaq ne comporte ni maximum, ni minimum. ;
Le sadet est la propriété exclusive de la femme ; elle en a la libre disposition et l'époux n'est pas fondé à exiger de sa future un apport quelconque de meubles, literie, effets vestimentaires en contrepartie du sadaq convenu.
Il est interdit au wali, qu'il soit ou non le père de la future épouse, de percevoir, pour son profit personnel, quoi que ce soit du prétendant, en contrepartie du mariage qu'il aura conclu avec lui pour le compte de sa fille ou de sa pupille.
1. Il est permis de prévoir, lors de la conclusion du mariage, que tout ou partie du sadaq sera payable d'avance ou à terme ;
2. Le paiement du sadaq en totalité ou en partie est dû au moment où la consommation va avoir lieu. ;
3. Le décès du mari ou la consommation du mariage confèrent à l'épouse le droit à la totalité du sadaq ;
L'époux ne peut exiger de son épouse la consommation du mariage, avant de lui avoir versé la partie échue du sadaq.
Celle-ci ne pourra être réclamée qu'à titre de simple créance et sans qu'il y ait lieu à dissolution du mariage pour défaut de paiement lorsque la consommation aura eu lieu avant tout versement.
En cas de répudiation prononcée librement par l'époux avant la consommation du mariage, l'épouse répudiée a droit à la moitié du sadaq.
Elle ne pourra prétendre à quoi que ce soit, si le mariage est annulé d'office. Il en sera de même s'il est annulé antérieurement à sa consommation, à la demande de l'un des époux, pour vice rédhibitoire constaté chez l'autre.
Lorsqu'il y a eu consommation du mariage, le sadaq est dû intégralement dans tous les cas.
Le wali ne peut s'opposer au mariage d'une fille majeure qui accepte de le contracter moyennant un sadaq inférieur à sa dot de parité.
En cas de divergence entre conjoints sur le versement de la partie exigible du sadaq, il est ajouté foi aux déclarations de la femme si la contestation intervient avant la consommation du mariage et à celles du mari dans le cas contraire.
Chapitre V
Les empêchements au mariage
Les empêchements au mariage sont de deux sortes :
1. Perpétuels ;
2. Temporaires.
Les empêchements perpétuels résultent de la parenté, l'alliance ou la parenté par allaitement, des rapports sexuels du contractant avec une femme en état d'idda (retraite de continence), même si la cohabitation devait avoir lieu après achèvement de cette retraite et, enfin, du serment d'anathème.
Les empêchements temporaires résultent de l'indisponibilité de la femme, par suite de mariage ou d'id (retraite de continence).
Est prohibé, pour cause de parenté, le mariage de toute personne avec :
1. Ses ascendants ;
2. Ses descendants ;
3. Les descendants in infinitum de ses ascendants au premier degré ;
4. Les descendants au premier degré de ses ascendants in infinitum.
Est prohibé, pour cause de parenté par alliance, le mariage d'un homme :
a) avec les ascendantes de ses épouses, par le fait même de la conclusion de l'acte de mariage ;
b) avec les descendantes à tous les degrés de ses épouses, à condition qu'il y ait eu consommation du mariage avec la mère ;
c) à tous les degrés avec les femmes des ascendants et descendants des conjoints, par le simple fait de la conclusion de l'acte de mariage.
1. Les prohibitions résultant de la parenté de lait sont les mêmes que celles de la parenté ou de l'alliance ;
2. L'enfant allaité est seul considéré comme enfant de la nourrice et de son époux, à l'exclusion de ses frères et sœurs ;
3. L'allaitement ne constitue un empêchement au mariage que s'il a eu lieu d'une manière effective et à cinq reprises différentes au cours des deux premières années du nourrisson. Il n'est tenu compte que de prises considérées par l'usage comme tétées complètes ;
Empêchements temporaires. Sont prohibés :
1. Le mariage simultané avec deux femmes qui, si elles avaient été de sexes différents, n'auraient pu (en raison de leur proche parenté) contracter mariage ensemble ;
Il en est ainsi du mariage simultané avec deux soeurs ou avec une femme et sa tante paternelle ou maternelle, en prenant en considération dans tous ces cas, la parenté germaine consanguine, utérine ou par allaitement ;
Exception est faite en ce qui concerne une femme et la mère ou la fille de son précédent mari ;
2. Le fait d'avoir à la fois un nombre d'épouses supérieur à celui autorisé par la loi ;
3. La reprise en mariage de l'épouse répudiée trois fois successives tant qu'elle n'a pas observé l'id (retraite de continence) consécutive à un mariage conclu et consommé régulièrement avec un autre époux ;
Le mariage avec un tiers, de la femme répudiée, efface l'effet des trois répudiations prononcées par le premier époux répudiation.
La reprise en mariage par cet époux lui donne de nouveau le droit de prononcer contre elle trois nouvelles répudiations ;
4. Le mariage d'une musulmane avec un non musulman ;
5. Le mariage avec une femme se trouvant sous la puissance maritale d'un tiers ou en état d'ide ou d'istibrâ (retraite de continence).
1. Si une injustice est à craindre envers les épouses, la polygamie est interdite.
2. Si la femme ne s'est pas réservée le droit d'option et que son mari contracte un nouveau mariage, elle peut saisir le juge pour apprécier le préjudice qui lui est causé par la nouvelle union.
3. L'acte de mariage concernant la seconde épouse, ne sera dressé qu'après que celle-ci aura été informée du fait que son prétendant est déjà marié.
Le femme a le droit de demander que son mari s'engage dans l'acte de mariage à ne pas lui adjoindre une coépouse et à lui reconnaître le droit de demander la dissolution du mariage au cas où cet engagement serait violé.
Chapitre VI
Effets du mariage et sanctions de ses conditions de validité
1. L'acte de mariage répondant à toutes les conditions de fond et de forme, est valable et régulier ;
2. Est vicié tout mariage dans lequel la condition de fond relative au consentement réciproque est remplie, mais qui ne satisfait pas à d'autres conditions de validité ;
Le mariage valable et régulier produit tous ses effets et donne naissance aux droits et devoirs réciproques des époux.
Les droits et devoirs réciproques entre époux sont :
1. La cohabitation ;
2. Les bons rapports, le respect et l'affection mutuels ainsi que la sauvegarde des intérêts moraux et matériels de la famille ;
3. Les droits de succession ;
4. Les droits de la famille, tels que le rattachement aux époux des enfants nés du mariage et la création d'une parenté par alliance
Les droits de l'épouse à l'égard de son mari sont :
1. L'entretien prévu par la loi, tels que la nourriture, l'habillement, les soins médicaux et le logement ;
2. L'égalité de traitement avec les autres épouses, en cas de polygamie ;
3. L'autorisation de rendre visite à ses parents et de les recevoir dans la limite des convenances ;
4. L'entière liberté d'administrer et de disposer de ses biens sans aucun contrôle du mari, ce dernier n'ayant aucun pouvoir sur les biens de son épouse.
Les droits du mari à l'égard de sa femme sont :
1. La fidélité ;
2. L'obéissance conformément aux convenances ;
3. L'allaitement au sein, si possible, des enfants issus du mariage ;
4. La charge de veiller à la marche du foyer et à son organisation ;
5. La déférence envers les père, mère et proches parents du mari ;
Le mariage entaché d'un vice de fond doit être annulé, aussi bien avant qu'après sa consommation. Dans ce dernier cas, la femme a droit à la dot prévue.
L'acte de mariage vicié pour inobservation des règles du sadaq est annulé s'il n'y a pas eu
consommation ; la femme dans ce cas, n'a pas droit à la dot. Mais lorsque la consommation a eu lieu, le mariage est validé moyennant un sadet de parité.
Tout mariage atteint d'un vice que la doctrine unanime considère comme une cause de nullité, tel le mariage avec une femme parente par alliance à un degré prohibé, est nul de plein droit, avant comme après la consommation.
Ce mariage entraîne cependant observance de l'istibrâ (retraite de continence) et, si la bonne foi est admise, rattachement aux parents des enfants nés de cette union.
Quand il s'agit d'un mariage dont la nullité est controversée en doctrine, il doit être dissout par une répudiation, et ce, avant comme après la consommation. Il entraîne « ida », rattachement aux parents de l'enfant né de l'union et la vocation héréditaire, si le décès survient avant la dissolution.
Dans le cas où l'acte de mariage contiendrait une condition contraire à l'essence ou aux buts de ce dernier, cette condition serait nulle et le mariage demeurerait valable.
Le fait pour la femme de stipuler, par exemple, la possibilité de s'occuper des affaires publiques du pays n'est pas contraire aux buts du mariage.
Chapitre VII
Des contestations entre époux
En cas de contestation au sujet de la propriété des objets mobiliers contenus dans la maison et en l'absence de preuve certaine, il sera fait droit :
- aux dires du mari, appuyés par serment, s'il s'agit d'objets d'un usage habituel aux hommes ;
- aux dires de l'épouse, après serment, pour les objets qui habituellement, sont à l'usage des femmes.
Si la contestation porte sur des marchandises, celles-ci seront attribuées à celui des conjoints qui aura justifié de son activité commerciale au moyen de preuves.
Les objets qui sont utilisés indistinctement par les hommes et par les femmes seront, après serment de l'un et de l'autre époux, partagés entre eux.
Les mêmes règles s'appliquent aux contestations entre l'époux survivant et les héritiers du conjoint prédécédé quant à la propriété des objets mobiliers contenus dans la maison.
Chapitre VIII
Des formalités administratives préalables au mariage
L'acte de mariage doit être dressé par deux adoul (notaires) sur production des pièces suivantes :
1. Un certificat délivré par l'autorité administrative au nom de chacun des futurs époux et mentionnant leur âge, leur résidence et le nom du wali ;
2. Une pièce établissant l'état civil du mari ;
3. Une pièce établissant, le cas échéant, que la future n'est plus engagée dans les liens d'un précédent mariage, permettant de s'assurer qu'elle a accompli l'idda et qu'il n'y a aucun empêchement au mariage projeté.
L'acte de mariage doit indiquer ou comporter :
1. Les noms, prénoms, filiations, domiciles et identités complètes des époux, avec mention que ceux-ci jouissent de toutes leurs facultés, ainsi que le nom du wali ;
2. La conclusion et la date de l'acte de mariage, le lieu où il a été dressé, avec indication que les conjoints et le wali agissent en toute connaissance de cause ;
3. Toutes mentions utiles relatives à l'état de l'épouse : vierge ou femme, ayant ou non son père, pourvue ou non d'un tuteur testamentaire ou datif, répudiée ou veuve, ayant observé l'idda
4. La mention du certificat administratif avec son numéro d'ordre (Article 41, § 1°) ;
5. Le quantum du sadaq en précisant ce qui doit être versé comptant et à terme, si le versement a eu lieu effectivement à la vue des adoul ou s'il y a eu simplement reconnaissance devant ces derniers d'un versement antérieur ;
6. La signature des adoul et l'homologation du juge avec son sceau ;
L'acte de mariage est consigné sur le registre tenu à cet effet à la mahakama.
Une expédition de cet acte doit être adressée aux services de l'état civil.
L'original de l'acte est remis à l'épouse ou à son représentant dans un délai maximum de
quinze jours à compter de sa date.
L'époux a droit à une copie dudit acte.
Livre deuxième
La dissolution du mariage et ses effets
Chapitre premier
De la répudiation
La répudiation est la dissolution des liens du mariage prononcée par :
- l'époux, son mandataire ou toute autre personne désignée par lui à cet effet ;
- l'épouse, lorsque la faculté lui en a été donnée (en vertu du droit d'option) ;
- le juge (divorce judiciaire).
Seule, peut faire l'objet d'une répudiation, la femme engagée dans les liens d'un mariage régulier ou celle en état d'idda (retraite de continence) consécutif à une répudiation révocable.
La répudiation, même conditionnelle, ne saurait s'appliquer dans un cas autre que ceux ci-dessus spécifiés.
La répudiation peut avoir lieu soit verbalement, en termes explicites, soit par écrit, soit encore par signes ou gestes non équivoques, s'il s'agit d'un illettré n'ayant pas l'usage de la parole.
Si la répudiation intervient au cours d'une période menstruelle, le juge contraint l'époux à reprendre la vie commune.
La répudiation doit être reçue par deux adoul (notaires).
Est sans effet, la répudiation que le conjoint prononce en complet état d'ivresse ou sous la contrainte ou au cours d'une colère lui enlevant, en tout ou en partie,le contrôle de lui même.
La répudiation par serment est sans effet.
Toute répudiation double ou triple ne vaut que comme répudiation simple, quel que soit son mode d'expression
La répudiation affectée d'une condition est sans valeur.
Chapitre II
Du divorce
Du divorce pour défaut d'entretien :
1. L'épouse aura la faculté de demander au juge de prononcer le divorce lorsque son époux est présent et refuse de s'acquitter de son devoir d'entretien à son égard.
Dans le cas où le mari possède des biens apparents, le jugement le condamnant à assurer l'entretien de son épouse sera exécuté sur ces biens.
- S'il n'a pas de biens apparents et si, tout en gardant le silence sur son état de fortune, il persiste devant le juge à ne pas vouloir entretenir sa femme, ce dernier prononcera le divorce séance tenante.
- S'il prétend, qu'il est indigent et qu'il le prouve, le juge lui accordera un délai convenable ne dépassant pas trois mois.
- Si, à l'expiration de ce délai, l'époux continue à ne pas assurer son devoir d'entretien, le juge prononcera le divorce.
- Si l'époux ne fait pas la preuve de son indigence, le juge le condamnera à assurer l'entretien de son épouse ou à la répudier.
- S'il ne s'exécute pas, le divorce sera alors prononcé par le juge.
2. Le divorce prononcé pour manquement à l'obligation alimentaire est révocable et l'époux a le droit de reprendre sa femme pendant l’idda (retraite de continence) s'il justifie de moyens d'existence et démontre sa volonté d'assurer son obligation alimentaire vis-à-vis de sa femme.
Du divorce pour vice rédhibitoire :
1. L'épouse qui découvre chez son conjoint un vice rédhibitoire enraciné et incurable ou dont la guérison ne pourrait intervenir que dans un délai supérieur à une année, et qui ne peut cohabiter avec lui sans subir un préjudice, comme dans les cas de démence, lèpre, éléphantiasis et tuberculose, est fondée à demander au juge la dissolution du mariage. La demande peut intervenir, que le mari ait été atteint de ce vice avant le mariage sans que la femme en ait en connaissance, ou que ce vice soit survenu après et qu'elle ne veuille pas le supporter.
Dans ce cas, le juge accordera à l'époux un délai d'une année ; s’il n'y a pas guérison, le divorce sera prononcé.
2. Il sera fait droit, sans délai, à la demande de divorce formulée par la femme pour vice affectant les organes génitaux de l'homme et dont la guérison n'est pas à espérer.
3. Si le vice affectant l'époux a été connu de la femme en contractant mariage ou si, ayant pris naissance postérieurement à l'union, il a été connu et accepté d'une façon expresse ou tacite par la femme, celle-ci ne pourra l'invoquer pour demander le divorce.
4. Lorsque la femme est atteinte d'une maladie comme la démence, la lèpre, l'éléphantiasis, la tuberculose ou d'infirmité génitale empêchant le coït ou la volupté et qu'avant la consommation du mariage, l'époux en a eu connaissance, ce dernier a le choix entre la répudiation sans être tenu à quoi que ce soit, et la consommation du mariage avec obligation de verser la totalité de la dot.
Si le mari a eu connaissance de ces vices après consommation du mariage, il aura également la faculté de conserver son épouse ou de la répudier ; dans ce dernier cas, le mari répudiation peut, s'il a été induit en erreur par l'épouse, lui réclamer la différence entre le sadaq (dot) versé et le sadet minimum admis par l'usage ; si la tromperie provient du wali, l'époux pourra réclamer la totalité de ce qu'il a versé à ce dernier.
5. Il sera fait appel à des médecins spécialistes aux fins d'obtenir tous éclaircissements utiles sur le vice allégué.
Le divorce prononcé par le juge pour l'une des causes énumérées au précédent article est définitif et irrévocable.
Du divorce pour sévices :
1. Si l'épouse se prétend objet de quelque sévices que ce soit de la part du mari au point que la vie conjugale en soit devenue impossible eu égard à sa condition sociale, et si le sévices invoqué est établi, le juge, après tentative de conciliation restée infructueuse, prononcera le divorce des époux ;
2. Si la demande en divorce était rejetée et si la femme renouvelle ses plaintes sans que le préjudice soit établi, le juge délèguera deux arbitres pour tenter de réconcilier les conjoints ;
3. Les deux arbitres rechercheront les causes de la dissension existant entre les époux et s'efforceront de les ramener à de meilleurs sentiments ; ils procéderont à la conciliation si elle est possible sur une base quelconque ; sinon, le juge sera saisi pour trancher le litige à la lumière du rapport des arbitres.
Du divorce pour absence du mari :
1. Lorsque l'époux est resté absent pendant plus d'une année, dans un lieu connu et sans motif valable, l'épouse a la faculté de demander au juge de prononcer la dissolution irrévocable du mariage si cette absence lui occasionne un préjudice, et ceci même dans le cas où le mari a laissé des biens pouvant servir à l'entretien de ladite épouse ;
2. Si des correspondances peuvent parvenir au mari absent, le juge lui adressera une mise en demeure comportant un délai, en l'avisant que le divorce sera prononcé à son encontre, s'il ne revient pas résider avec sa femme, s'il ne la fait pas venir auprès de lui ou s'il ne la répudie pas.
Si, à l'expiration de ce délai, l'époux ne s'exécute pas et ne fournit pas d'excuses valables, le juge, après s'être assuré que la plaignante persiste dans sa demande en divorce, prononcera la dissolution irrévocable du mariage.
Si des correspondances ne peuvent parvenir au mari absent, le juge désignera un curateur en lui accordant un délai (pour provoquer la comparution de l'absent). A défaut de comparution, le juge prononcera le divorce sans être tenu d'adresser une ultime interpellation et de fixer un nouveau délai.
Du divorce par suite du serment de continence ou de délaissement.
Lorsque le mari aura prêté serment de délaisser sa femme et de ne plus accomplir ses devoirs intimes, celle-ci est fondée à saisir le juge qui fixera au mari un délai de quatre mois ; passé ce délai et si l'époux ne vient pas à résipiscence, le divorce est prononcé par le juge.
Ce divorce est révocable.
En cas d'instance devant le juge et si la cohabitation durant la procédure s'avère impossible entre les conjoints, le mari peut désigner certains de ses proches parents à sa femme, afin qu'elle choisisse celui chez lequel elle accepte de résider en attendant que le jugement soit rendu ; si l'épouse ne fixe pas son choix, le mari peut désigner tel des parents de l'épouse chez qui elle pourra résider ; si elle refuse encore, le juge peut lui ordonner de résider à « Dar el Tiqua » (maison occupée par une femme ou un couple honorable).
Dans tous les cas, l'obligation d'entretien demeure à la charge du mari.
Tout mari qui prend l'initiative de répudier sa femme doit lui remettre un don de consolation (mout'a) qui sera fixé compte tenu de ses moyens et de la situation de la femme répudiée.
Cette disposition ne s'applique pas à l'épouse à qui un sadaq a été fixé et qui a été répudiée avant consommation du mariage.
Chapitre III
De la répudiation moyennant compensation (khol')
Les époux peuvent convenir entre eux de la répudiation moyennant compensation.
Le consentement d'une femme majeure à la compensation en vue d'obtenir sa répudiation est valable.
S'il émane d'une femme mineure, la répudiation est acquise et la mineure n'est tenue de se libérer de la contrepartie qu'avec l'accord du tuteur chargé de l'administration de ses biens.
Le montant de la compensation ne sera acquis au mari que si la femme, en vue d'obtenir sa répudiation, y a consenti sans contrainte et si elle n'a fait l'objet d'aucun sévices.
Tout ce qui, légalement, peut faire l'objet d'une obligation, peut valablement servir de contrepartie en matière de répudiation (khol).
Toutefois, dans le cas où la femme est pauvre, toute contrepartie sur laquelle les enfants ont un droit est interdite.
Chapitre IV
Des différentes formes de répudiation et de leurs effets
Tout divorce prononcé par le juge est irrévocable, à l'exception de celui qui résulte du serment de continence ou du défaut d'entretien.
Toute répudiation prononcée par l'époux est révocable à l'exception de la répudiation prononcée à la suite de deux précédentes répudiations successives, de celle intervenue avant la consommation du mariage, de la répudiation (khol' ) ou de celle qui résulte d'un droit d'option laissé à la femme.
Dans le cas de répudiation révocable et avant l'expiration de l’idda (retraite légale), le mari a le droit de reprendre son épouse répudiée, sans nouveau sadaq (dot) ni intervention du wali. Ce droit de reprise subsiste nonobstant renonciation du mari.
A l'expiration de la retraite légale consécutive à la répudiation révocable, la femme se trouve définitivement séparée de son époux.
La répudiation irrévocable (baïn), autre que celle prononcée à la suite de deux précédentes répudiations successives, dissout immédiatement les liens conjugaux et ne s'oppose pas à la conclusion d'un nouveau mariage entre les mêmes époux.
La répudiation prononcée à la suite de deux précédentes répudiations successives, dissout immédiatement les liens conjugaux et interdit le remariage avec la même épouse, à moins que celle-ci n'ait accompli la retraite légale consécutive à la dissolution d'un autre mariage effectivement et légalement consommé par un autre époux.
Chapitre V
Des effets de la dissolution du mariage
De l'idda (retraite légale)
L'idda de la femme enceinte prend fin à la délivrance.
La femme répudiée, après relations sexuelles, doit, si elle n'est pas enceinte et si elle est sujette au flux menstruel, observer l'idda pendant trois périodes inter menstruelles.
L'ide est de trois mois pour la femme qui a atteint l'âge de la ménopause ou pour celle qui n'est pas sujette au flux menstruel.
Les femmes dont les menstrues sont tardives ou irrégulières ou qui ne peuvent distinguer le flux menstruel d'un autre écoulement sanguin, accompliront l'idda de trois mois après une période d'attente de neuf mois.
La retraite de viduité est de quatre mois dix jours francs pour la veuve qui n'est pas enceinte.
Si la femme en état d'idda croit être enceinte et qu'il y ait contestation, elle est examinée par des experts.
La durée maxima de la grossesse est d'une année à compter de la date de la répudiation ou du décès.
Si, à l'expiration de l'année, il subsiste un doute sur la grossesse, le cas sera soumis au juge par la partie intéressée. Celui-ci aura recours à des médecins- experts.
Au vu de leurs conclusions, il rendra un jugement mettant fin à l'idda ou la prolongeant pendant le délai estimé nécessaire par les médecins pour déterminer s'il y a grossesse ou maladie.
La femme répudiée à titre révocable et dont le mari décède au cours de l'idda, est soumise à la retraite de viduité consécutive à ce décès.
L'idda commence à compter de la date de la répudiation, du divorce, du décès, de l'annulation du mariage ou de la séparation intervenue dans le cas de mariage vicié.
La femme répudiée avant la consommation du mariage ou sans qu'elle se soit isolée avec son conjoint n'est pas astreinte à l'idda. Celle-ci doit toujours être observée en cas de décès du mari.
Chapitre VI
Des formalités administratives de la répudiation.
Les adoul dressent l'acte de répudiation dès qu'ils en sont requis.
Cet acte ne peut être établi sans que soit administrée, la preuve du mariage. Si elle ne peut l'être, les adoul soumettent l'affaire au juge.
1. L'acte de répudiation doit mentionner, pour chacun des ex-époux, son nom, sa filiation, son domicile et son identité d'après la carte individuelle ou un certificat administratif d'identité.
2. Il doit se référer à l'acte de mariage en indiquant ses numéro, folio et date et en précisant
que cet acte se trouve au-dessus ou au verso de l'acte de répudiation.
3. Il doit indiquer la nature de la répudiation et s'il s'agit de la première, de la deuxième ou de la troisième.
4. L'acte de répudiation est propriété de l'épouse et doit lui être remis dans un délai ne
dépassant pas quinze jours. Le mari a droit à une copie.
5. Les frais de l'acte de répudiation sont à la charge du mari répudiateur.
6. Dès le prononcé de la répudiation, le juge doit aviser l'épouse répudiée.
Chapitre VII
Tous les cas qui ne pourront être résolus en application du présent code, seront réglés en se référant à l'opinion dominante ou à la jurisprudence constante dans le rite malékite.