Dahir n° 1-01-298 du 23 ramadan 1422 (9 décembre 2001) portant création de l'institution « Diwan Al Madhalim »

Bulletin Officiel n° : 4966  du  03/01/2002 - Page : 3

 

Dahir n° 1-01-298 du 23 ramadan 1422 (9 décembre 2001) portant création de l'institution « Diwan Al Madhalim »

 

Louange à Dieu seul !

 

(Grand Sceau de Sa Majesté Mohammed VI)

 

Que l'on sache par les présentes - puisse Dieu en élever et en fortifier la teneur !

 

Exposé des motifs :

Considérant que la protection des droits et le redressement des iniquités figurent parmi les devoirs les plus sacrés du Roi, Amir Al Mouminine, et que, conscients de cette éminente charge et de ces nobles desseins, Nos glorieux ancêtres ont toujours disposé d'institutions placées auprès de leur personne et chargées de les tenir informés des injustices dont souffraient leurs Sujets afin d'y remédier et de réformer d'éventuels actes iniques imputables à certains responsables de l'administration.

 

Considérant que, dans le souci de conforter la progression continue de Notre Royaume vers plus de justice et d'équité, Notre Auguste Père, Sa Majesté le Roi Hassan II - Que Dieu ait Son âme - s'est attaché à mettre en place des juridictions administratives chargées de redresser les torts et les préjudices occasionnés à Nos Sujets par les administrations en raison de leurs dysfonctionnements ou de leur mauvaise application de la loi, et à créer, auprès de Sa Majesté Chérifienne, un Conseil consultatif des Droits de l'Homme, chargé d'assister le Roi, Amir Al Mouminine, protecteur des droits et des libertés individuelles et collectives, à en garantir le respect.

 

Considérant Notre volonté de conforter les acquis engrangés par Notre pays dans ce domaine, en veillant à ce que la sauvegarde des intérêts du citoyen, la protection de ses droits et la nécessité d'être à son écoute, soient le fondement même de Notre nouveau concept de l'autorité.

 

Qu'aux mêmes fins, Nous avons tenu à renforcer l'autonomie du Conseil consultatif des Droits de l'Homme et à élargir ses compétences, de sorte que Notre Majesté puisse se tenir informée de la situation des droits de l'Homme dans leur acception la plus large et décider des mesures à prendre pour en assurer le respect.

 

Considérant les attentes de Nos fidèles Sujets qui aspirent à plus d'équité face à des procédures administratives de plus en plus complexes en raison de la multiplicité et de la technicité des questions traitées par nos administrations et de la difficulté d'adapter le fonctionnement des services publics à des situations particulières.

 

Soucieux de disposer d'une institution ayant compétence pour rechercher, dans les limites qu'impose le respect des compétences des autorités publiques, les moyens de réparer les injustices imputables à des situations incompatibles avec les impératifs d'équité et préjudiciables aux usagers des services publics et afin de compléter les missions remplies par l'appareil judiciaire dont les procédures sont nécessairement complexes et les lois générales, et en vue de renforcer le rôle assumé par le Conseil consultatif des Droits de l'Homme dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues.

 

Convaincu que la création de cette institution auprès de Notre Majesté Chérifienne et sous Notre Haute protection, est de nature à lui conférer l'autonomie nécessaire, par rapport aux organes exécutif, législatif et judiciaire, et à lui permettre de statuer en toute impartialité sur les requêtes dont elle est saisie.

 

Considérant que l'accomplissement par l'institution à créer, de ses missions d'écoute et de proximité dans l'intérêt de tous Nos fidèles Sujets requiert qu'elle se mette en relation directe avec les services de Notre Premier ministre et des membres de Notre gouvernement, par le truchement de délégués nommés auprès d'eux et, le cas échéant, de délégués dans les chefs-lieux des régions ou, encore de délégués particuliers ayant pour mission de se pencher sur les difficultés spécifiques que peuvent rencontrer certaines catégories de Nos fidèles Sujets dans leurs relations avec les administrations.

 

Convaincu que les responsables de cette institution exerceront au mieux leurs prérogatives afin de concilier, en vertu du mandat qui leur est confié, entre, d'une part, la mission de redressement des torts en présentant aux administrations concernées des propositions et des recommandations visant à faire prévaloir les droits, et d'autre part, la contribution à l'optimisation du fonctionnement de l'appareil administratif, dans l'intérêt du citoyen, et dans le respect de la primauté de la loi et de l'équité en soumettant à Notre Majesté Chérifienne un rapport annuel exhaustif, et en présentant au Premier ministre et au Conseil consultatif des Droits de l'Homme, des rapports assortis de suggestions de nature à aider à la réalisation de cet ultime objectif ;

 

Pour ces motifs ;

 

Vu l'article 19 de la Constitution.

 

Notre Majesté Chérifienne,

 


A décidé ce qui suit :

 

Article 1

 Il est créé auprès de Notre Majesté Chérifienne, une institution dénommée « Diwan Al Madhalim », chargée de promouvoir l'intermédiation entre d'une part, les citoyens ou groupes de citoyens et d'autre part, les administrations ou tout organisme disposant de prérogatives de puissance publique, et d'inciter ceux-ci à observer les règles de la primauté du droit et de l'équité,

 

Article 2

Notre Majesté Chérifienne  nomme par dahir, pour une période de six ans, renouvelable, le «Wali Al Madhalim» qui exerce les prérogatives dévolues à «Diwan AI Madhalim», avec le concours de délégués du «Diwan Al Madhalim » qu'il désigne conformément à l'article 4 ci-après.

 

Notre Majesté Chérifienne désigne, en tant que de besoin, au sein du «Diwan Al Madhalim», des délégués chargés de l'intermédiation dans des questions ayant trait aux difficultés particulières que peuvent rencontrer certaines catégories de Nos sujets dans leurs relations avec l'administration.

 

Article  3

Conformément aux dispositions de l'article 4, alinéa « d », de Notre dahir n° 1-00-350, portant réorganisation du Conseil consultatif des Droits de l'Homme, et publié en date du 15 moharrem 1422, correspondant au 10 avril 2001, le « Wali Al Madhalim» est, es qualité, membre avec voix délibérative, du Conseil consultatif des Droits de l'Homme.

 

Article  4

Le « Wali Al Madhalim » procède, avec l'autorisation de Notre Majesté Chérifienne, à la désignation ou à la révocation de ses délégués auprès du département du Premier ministre et des autres départements ministériels. Il peut également désigner des délégués régionaux dans les chefs-lieux des régions.

 

Il s'assure que ces délégués accomplissent leur mission en toute indépendance et impartialité.

 

Article 5

Notre Majesté ordonne au « Wali Al Madhalim » de procéder à toute enquête sur des faits entrant dans ses compétences et de faire rapport à Notre Majesté des conclusions de ses investigations.

 

Le « Wali Al Madhalim » est chargé d'examiner les plaintes et doléances de Nos fidèles Sujets qui se considèrent victimes de décisions ou d'activités jugées contraires aux règles de la primauté du droit et de l'équité, et qui seraient imputables aux administrations de l'Etat, aux collectivités locales, aux établissements publics ou à tout organisme disposant des prérogatives de puissance publique

En outre, le « Wali Al Madhalim » peut être également saisi par le président du Conseil consultatif des Droits de l'Homme, destinataire de plaintes relevant des compétences du « Diwan Al Madhalim », et remplissant les conditions prévues aux articles 6 et 7 ci-après.

 

Article  6

 Ne peuvent être examinées ou instruites par le « Wali Al Madhalim » ou ses délégués :

-         les plaintes concernant des questions pour lesquelles la justice est saisie.

-         les doléances visant la révision d'une décision de justice irrévocable.

-         les  requêtes  relatives  à des  questions  relevant de  la compétence du Parlement.

-         les questions relevant de la compétence du Conseil consultatif des Droits de  l'Homme,  auquel  le «Wali Al Madhalim » transmet, sans délais, les plaintes et les doléances relatives aux violations des droits de l'Homme.

-         les affaires pour lesquelles le requérant n'a engagé aucune démarche officielle ou recours gracieux ou n'a pas épuisé les recours que les lois et règlements en vigueur prévoient pour faire cesser l'iniquité ou le préjudice allégués ou rétablir le droit violé.

 

Toutefois, dans les cas visés ci-dessus, le «Wali Al Madhalim » ou ses délégués peuvent rechercher avec les parties concernées, à leur demande, les solutions de nature à régler rapidement et équitablement le différend.

 

Par ailleurs, dans le cas où le « Wali Al Madhalim » constaterait que la persistance de l'organisme concerné dans son refus d'exécuter une décision de justice exécutoire, est due aux agissements ou à la passivité d'un fonctionnaire ou d'un agent de l'organisme à l'encontre duquel le jugement a été prononcé, le «Wali Al Madhalim » établit un rapport, à ce sujet, dont il saisit le Premier ministre.

 

Article  7

Les plaintes et les doléances sont adressées au « Wali Al Madhalim » ou à ses délégués ministériels ou régionaux, directement par le requérant ou par l'intermédiaire du représentant dûment mandaté de la personne concernée.

 

Pour être recevables, les plaintes et les doléances doivent être écrites, motivées et signées par le requérant en personne. Elles doivent préciser les démarches effectuées par le requérant pour faire valoir ses droits auprès de l'autorité qu'il met en cause.

 

Lorsqu'il est dans l'impossibilité de présenter sa plainte par écrit, il appartient au requérant de la formuler oralement, assortie des preuves et des pièces justificatives. La plainte doit être dûment consignée par le délégué.

Article  8

 Le recours au «Diwan Al Madhalim» n'a pas pour effet d'interrompre ou de suspendre les délais de prescription et de recours prévus par la loi.

 

Article  9

Le « Wali AI Madhalim» entreprend les investigations nécessaires afin d'établir la réalité des faits portés à sa connaissance, l'étendue des préjudices et l'appréciation qu'il convient de leur donner. Il provoque les explications des autorités concernées sur les faits, objet de la requête.

 

Les chefs des administrations et autres organismes, visés à l'article 5 précité, saisis par le « Wali Al Madhalim » ou ses délégués doivent lui prêter leur concours afin de lui permettre une parfaite connaissance du différend. Ils ordonnent aux fonctionnaires et agents ainsi qu'aux organes de contrôle placés sous leur autorité, de faciliter les investigations du « Wali Al Madhalim» ou de ses délégués qui peuvent se faire communiquer les documents relatifs à la plainte, objet de l'enquête, à l'exception de ceux couverts par le secret d'Etat.

 

Article  10

Le «Wali Al Madhalim» entreprend toute démarche de médiation - notamment de conciliation- qu'il considère de nature à remédier à l'injustice qu'il a constatée en se fondant sur les principes de la primauté du droit et de l'équité.

 

Il adresse des recommandations, des suggestions et des observations aux administrations et établissements visés à l'article 5 précité.

 

Article  11

Il incombe à l'administration ou l'établissement concerné par les recommandations, suggestions ou observations du « Wali Al Madhalim » ou de ses délégués, de prendre, dans les délais fixés par ces derniers, les initiatives et les mesures nécessaires pour le règlement des affaires dont ils les ont saisis et de les informer, par écrit, des résultats obtenus.



Le «Wali Al Madhalim » et ses délégués sont tenus de communiquer par écrit, au requérant la suite réservée à sa plainte.

 

Article  12

Le «Wali Al Madhalim» présente au Premier ministre des suggestions de portée générale sur les mesures de nature à faire justice aux doléances qui lui sont soumises. Il lui présente des propositions concernant les mesures propres à améliorer l'efficacité des administrations faisant l'objet de plaintes, à corriger les défaillances à l'origine des dysfonctionnements des services qui en dépendent, et à amender les textes juridiques qui les régissent. Il informe, en outre, le Premier ministre, le cas échéant, sur le refus des administrations concernées de donner suite à ses recommandations.

 

Article  13

Le « Wali Al Madhalim » fait rapport au Conseil consultatif des Droits de l'Homme, sur les questions concernant la promotion des droits de l'Homme, dans ses domaines de compétence.

 

Article  14

Le «Wali Al Madhalim» soumet à Notre Majesté Chérifienne, un rapport annuel sur le bilan de ses activités. Le rapport est publié, en totalité ou en partie, sur ordre de Notre Majesté, au « Bulletin officiel ».

 

Article 15

Un règlement intérieur, soumis par le «Wali Al Madhalim » à l'approbation de Notre Majesté chérifienne, fixe notamment :

-         l'organigramme de «Diwan Al Madhalim» et son organisation financière et comptable.

-         les attributions et  pouvoirs  conférés  aux délégués ministériels et régionaux du « Wali AI Madhalim ».

-         la procédure  et les conditions  de  présentation  et d'instruction des plaintes et des doléances.

 

Article  16

Les crédits de fonctionnement et d'équipement alloués au «Diwan Al Madhalim» sont inscrits au budget de la Cour Royal.

 

Le « Wali Al Madhalim » est l'ordonnateur des crédits qui lui sont alloués. Il peut instituer sous ordonnateur, un des fonctionnaires du « Diwan Al Madhalim ».

 

Il peut recruter le personnel nécessaire pour exercer les attributions du «Diwan AI Madhalim» ; des fonctionnaires et agents de l'administration et des établissements publics peuvent être détachés auprès du « Diwan Al Madhalim ».