Bulletin Officiel n° 5522 du Jeudi 3 Mai 2007

 

Dahir n° 1-07-79 du 28 rabii I 1428 (17 avril 2007) portant promulgation de la loi n° 43-05 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux.

 

LOUANGE A DIEU SEUL !


(Grand Sceau de Sa Majesté Mohammed VI)

Que l'on sache par les présentes - puisse Dieu en élever et en fortifier la teneur !

Que Notre Majesté Chérifienne,

Vu la Constitution, notamment ses articles 26 et 58,



 

A décidé ce qui suit :

Est promulguée et sera publiée au Bulletin officiel, à la suite du présent dahir, la loi n° 43-05 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, telle qu'adoptée par la Chambre des représentants et la Chambre des conseillers.

Fait à Marrakech, le 28 rabii I 1428 (17 avril 2007).


Pour contreseing :
Le premier ministre,
Driss Jettou.



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Loi n° 43-05 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux


Article 1

Chapitre premier : Dispositions pénales

Le chapitre IX du titre I du livre III du code pénal approuvé par le dahir n° 1-59-413 du 28 joumada II 1382 (26 novembre 1962) est complété par la section VI bis suivante :


Section VI bis : Du blanchiment de capitaux

"Article 574-1. - Constituent un blanchiment de capitaux, les infractions ci-après, lorsqu'elles sont commises intentionnellement :

-         le fait d'acquérir, de détenir, d'utiliser, de convertir ou de transférer des biens dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine de ces biens, dans l'intérêt de l'auteur ou d'autrui lorsqu'ils sont le produit de l'une des infractions prévues à l'article 574-2 ci-dessous ;

- le fait d'aider toute personne impliquée dans la commission de l'une des infractions prévues à l'article 574-2 ci-dessous à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ;

- le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des produits de l'auteur de l'une des infractions visées à l'article 574-2 ci-dessous, ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect ;

-         le fait d'apporter un concours ou de donner des conseils à une opération de garde, de placement, de dissimulation, de conversion ou de transfert du produit direct ou indirect, de l'une des infractions prévues à l'article 574-2 ci-dessous."


"Article 574-2. - La définition prévue à l'article précédent est applicable aux infractions suivantes :

- le trafic de stupéfiants et des matières psychotropes ;


- le trafic d'êtres humains ;

-         le trafic d'immigrants ;

-         le trafic illicite d'armes et de munitions ;

-         la corruption, la concussion, le trafic d'influence et le détournement de biens publics et privés ;

-         les infractions de terrorisme ;

-         la contrefaçon ou la falsification des monnaies ou effets de crédit public ou d'autres moyens de paiement."


"Article 574-3. - Le blanchiment de capitaux est puni :

-         pour les personnes physiques d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 20.000 à 100.000 dirhams ;

-         pour les personnes morales, d'une amende de 500.000 à 3.000.000 de dirhams, sans préjudice des peines qui pourraient être prononcées à l'encontre de leurs dirigeants et agents impliqués dans les infractions.

La tentative de blanchiment de capitaux est passible des mêmes peines applicables à l'infraction consommée."

"Article.574-4. - Les peines d'emprisonnement et les amendes sont portées au double :

-         lorsque les infractions sont commises en utilisant les facilités que procure l'exercice d'une activité professionnelle ;

-         lorsque la personne se livre de façon habituelle aux opérations de blanchiment de capitaux ;

-         lorsque les infractions sont commises en bande organisée ;


- en cas de récidive.

Est en état de récidive l'auteur qui commet les faits dans les cinq ans suivant une décision ayant acquis la force de la chose jugée pour l'une des infractions prévues à l'article 574-1 ci-dessus.

"Article 574-5. - Les personnes coupables de blanchiment de capitaux encourent, une ou plusieurs des peines complémentaires suivantes :

- la confiscation partielle ou totale des biens ayant servi à commettre l'infraction et des produits générés par ces biens, sous réserve des droits des tiers de bonne foi. Cette confiscation est toujours prononcée en cas de condamnation ;

-         la dissolution de la personne morale ;

-         la publication, par tous moyens appropriés, des décisions de condamnation ayant acquis la force de la chose jugée et ce, aux frais du condamné.

L'auteur de l'infraction de blanchiment de capitaux peut, en outre, être condamné à l'interdiction temporaire ou définitive d'exercer, directement ou indirectement, une ou plusieurs professions, activités ou arts à l'occasion de l'exercice desquels l'infraction a été commise."

"Article 574-6. - Les peines prévues par la présente loi sont étendues, selon le cas, aux dirigeants et aux préposés des personnes morales impliquées dans des opérations de blanchiment de capitaux, lorsque leur responsabilité personnelle est établie."

"Article 574-7. - Bénéficie d'une excuse absolutoire, dans les conditions prévues aux articles 143 à 145 du code pénal, l'auteur, le coauteur ou le complice qui a révélé aux autorités compétentes, avant qu'elles n'en soient informées, les faits constitutifs d'une tentative d'infraction de blanchiment de capitaux.

Lorsque la dénonciation a lieu après la commission de l'infraction, la peine est réduite de moitié."


Article 2


Chapitre II : de la prévention du blanchiment de capitaux

Section 1 : Définitions

Article premier :Pour l'application des dispositions de la présente loi, on entend par :

- "produits" : tous biens provenant, directement ou indirectement, de l'une des infractions prévues à l'article 574-2 du code pénal ;

- "biens" : tous les types d'avoirs corporels ou incorporels, meubles ou immeubles, divis ou indivis, ainsi que les actes juridiques ou documents attestant la propriété de ces avoirs ou des droits qui s'y rattachent.

Article 2 :Sont assujetties aux dispositions du présent chapitre les personnes physiques et les personnes morales de droit public ou de droit privé, à l'exception de l'Etat, qui, dans l'exercice de leur mission ou de leur profession réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux susceptibles de constituer des infractions prévues et réprimées par la section VI bis du chapitre IX du titre premier du livre III du Code pénal.

A ce titre, sont notamment considérées comme personnes assujetties :

1. les établissements de crédit ;

2. les banques et les sociétés holding offshore ;

3. les compagnies financières ;

4. les entreprises d'assurances et de réassurances ;

5. les contrôleurs des comptes, comptables externes et conseillers fiscaux ;


6. les personnes membres d'une profession juridique indépendante, lorsqu'elles participent, au nom de leur client et pour le compte de celui-ci, à une transaction financière ou immobilière ou lorsqu'elles assistent leur client dans la préparation ou l'exécution d'opérations relatives à :

a) l'achat et la vente de biens immeubles ou entreprises commerciales ;

b) la gestion de fonds, de titres ou d'autres actifs appartenant au clien ;
c) l'ouverture ou la gestion de comptes bancaires, d'épargne ou de titres ;

d) l'organisation des apports nécessaires à la constitution, à la gestion ou à la direction de sociétés ;

e) la constitution, la gestion ou la direction de fiduciaires, de sociétés ou de structures similaires ;

7. les personnes exploitant ou gérant des casinos ou des établissements de jeux de hasard.




Section 2 : Obligations des personnes assujetties

Sous-section 1 : Obligations de vigilance

Article 3 :Les personnes assujetties sont tenues de recueillir tous les éléments d'information permettant l'identification de leur clientèle habituelle ou occasionnelle.

Lorsque le client est une personne morale, les personnes assujetties doivent vérifier au moyen de documents et d'indications nécessaires, toutes les informations concernant sa dénomination, sa forme juridique, son activité, l'adresse du siège social, son capital, l'identité de ses dirigeants et les pouvoirs des personnes habilitées à la représenter vis-à-vis des tiers ou à agir en son nom en vertu d'un mandat.

Article 4 :Les personnes assujetties ne doivent pas effectuer d'opération lorsque l'identité des personnes concernées n'a pas pu être vérifiée ou lorsque celle-ci est incomplète ou manifestement fictive.

Article 5 :Les personnes légalement habilitées à ouvrir des comptes doivent, avant d'ouvrir un compte, s'assurer de l'identité du postulant, conformément aux dispositions de l'article 488 du Code de commerce.

Elles doivent dans les mêmes conditions :

-         s'assurer de l'identité de leurs clients occasionnels qui leur demandent d'effectuer des opérations dont la nature et le montant sont fixés par l'unité visée à l'article 14 ci-dessous ;

-         s'assurer de l'identité des donneurs d'ordre pour l'exécution d'opérations dont le bénéficiaire est une tierce personne ;

- se renseigner sur l'identité véritable des personnes au bénéfice desquelles un compte est ouvert ou une opération est réalisée lorsqu'il leur apparaît que les personnes qui ont demandé l'ouverture du compte ou la réalisation de l'opération n'auraient pas agi pour leur propre compte ;

-         se renseigner sur l'identité des personnes agissant aux noms de leurs clients en vertu d'un mandat ;

-         se renseigner sur l'origine des fonds.


Article 6 :Les personnes légalement habilitées à ouvrir des comptes doivent vérifier, lors de l'ouverture d'un compte, si le postulant dispose d'autres comptes ouverts sur leurs livres.

Elles doivent, en outre :

-         se renseigner sur les raisons pour lesquelles la demande d'ouverture d'un nouveau compte est formulée ;

-         veiller à la mise à jour régulière de dossiers juridiques afférents aux comptes de la clientèle ;

-         assurer une surveillance particulière sur les comptes et opérations des clients présentant un