Bulletin officiel n° 6240 du 18 joumada I 1435 (20-3-2014)

 

 

Dahir n° 1-14-09 du 4 joumada I 1435 (6 mars 2014) portant promulgation

de la loi cadre n° 99-12 portant charte nationale

de l’environnement et du développement durable.

 

 

LOUANGE A DIEU SEUL!

 

(Grand Sceau de Sa Majesté Mohammed VI)

 

Que l’on sache par les présentes - puisse Dieu en élever et en fortifier la teneur !

 

Que Notre Majesté Chérifienne,

 

Vu la Constitution, notamment ses articles 42 et 50,

 

 

A DECIDE CE QUI SUIT

 

Est promulguée et sera publiée au Bulletin officiel, à la suite du présent dahir, la loi cadre n° 99-12 portant charte nationale de l’environnement et du développement durable, telle qu'adoptée par la Chambre des représentants et la Chambre des conseillers.

 

 

 

Fait à Rabat, le 4 joumada I  1435 (6 mars  2014).

 

 

Pour contreseing:

 

Le Chef du gouvernement,

abdel-ilah benkiran.

 

 

Loi-cadre n° 99-12

portant charte nationale de l’environnement

et du développement durable

 

TITRE I

OBJECTIFS, PRINCIPES, DROITS ET DEVOIRS

 

Article 1

 

La présente loi-cadre fixe les objectifs fondamentaux de l’action de l’Etat en matière de protection de l’environnement et de développement durable.

 

Elle a pour but de:

-         Renforcer la protection et la préservation des ressources et des milieux naturels, de la biodiversité et du patrimoine culturel, de prévenir et de lutter contre les pollutions et les nuisances;

-         intégrer le développement durable dans les politiques publiques sectorielles et adopter une stratégie nationale de développement durable;

-         harmoniser le cadre juridique national avec les conventions et les normes internationales ayant trait à la protection de l’environnement et au développement durable;

-         renforcer les mesures d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques et de lutte contre la désertification;

-         décider les réformes d’ordre institutionnel, économique, financier et culturel en matière de gouvernance environnementale;

-         définir les engagements de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et sociétés d’Etat, de l’entreprise privée, des associations de la société civile et des citoyens en matière de protection de l’environnement et de développement durable;

-         établir un régime de responsabilité environnementale et un système de contrôle environnemental.

 

Article 2

 

Les principes énoncés ci-après constituent des éléments de cadrage à respecter lors de l’élaboration et de mise en œuvre des politiques, des stratégies, des programmes et des plans d’action par l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics et sociétés d’Etat et par les autres parties intervenant dans les domaines de l’environnement et du développement durable :.

a)     Principe d’intégration: consiste à adopter une approche globale, intersectorielle et transversale lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques, des stratégies, des programmes et des plans de développement dans le moyen et long termes.

b)     Principe de territorialité: exige la prise en considération de la dimension territoriale, notamment régionale, en vue d’assurer une meilleure articulation des mesures initiées par les différents niveaux de décision territoriaux et de favoriser la mobilisation des acteurs territoriaux au profit d’un développement humain, durable et équilibré des territoires.

c)     Principe de solidarité:  la solidarité en tant que valeur ancestrale et ancrée au sein de la société, participe à la cohésion nationale. Elle permet, dans sa triple dimension : sociale, territoriale et intergénérationnelle d’augmenter la capacité du pays à réduire les vulnérabilités et à favoriser une utilisation rationnelle, économe et équilibrée des ressources naturel et des espaces.

d)     Principe de précaution: consiste à prendre des mesures adéquates, économiquement et socialement viables et acceptables, destinées à faire face à des dommages environnementaux hypothétiques graves ou irréversibles, ou à des risques potentiels, même en l’absence de certitude scientifique absolue au sujet des impacts réels de ceux-ci.

e)     Principe de prévention: consiste à la mise en place des outils d’évaluation et d’appréciation régulière des impacts des activités susceptibles de porter atteinte à l’environnement, de recommander et de mettre en œuvre des mesures concrètes pour supprimer ces impacts, ou du moins réduire leurs effets négatifs.

f)      Principe de responsabilité: signifie que toute personne, physique ou morale, publique ou privée, a l’obligation de procéder à la réparation des dommages causés à l’environnement.

g)     Principe de participation: consiste à favoriser la participation active des entreprises, des associations de la société civile et de la population dans le processus d’élaboration et de mise en œuvre des politiques, des stratégies, des programmes et des plans relatifs à la protection de l’environnement et au développement durable.

 

Article 3

 

Toute personne a le droit:

-         de vivre et d’évoluer dans un environnement sain et de qualité qui favorise la préservation de la santé, l’épanouissement culturel et l’utilisation durable du patrimoine et des ressources qui y sont disponibles;

-         d’accéder à l’information environnementale fiable et pertinente;

-         de participer au processus de prise des décisions susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement.

 

Article 4

 

Toute personne, physique ou morale, publique ou privée doit s’abstenir de porter atteinte à l’environnement.

Article 5

 

Toute personne, physique ou morale, publique ou privée doit contribuer aux efforts individuels et collectifs menés en vue de la protection de l’environnement, de la promotion et de la diffusion de la culture du développement durable.

 

TITRE II

DE LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

 

Article 6

 

Les ressources naturelles, les écosystèmes et le patrimoine historique et culturel sont un bien commun de la nation. Ils font l’objet d’une protection et d’une mise en valeur, fondées sur une gestion intégrée et durable, à travers l’adoption de mesures législatives, institutionnelles, économiques et financières ou autres et ce, conformément aux objectifs et principes de la présente loi-cadre.

 

Article 7

 

Les mesures mentionnées à l’article 6 ci-dessus visent à:

-         promouvoir le recours aux modes d’utilisation durable et économe des ressources en eau, à la lutte contre la pollution de ces ressources ainsi que l’actualisation de la législation sur l’eau dans le but de l’adapter aux exigences du développement durable et aux effets conjugués de la désertification et des changements climatiques;

-         assurer l’équilibre écologique de la forêt et des écosystèmes forestiers et de la biodiversité ainsi que la conservation des espèces animales et végétales y compris celles endémiques, rares, menacées ou en voie d’extinction en procédant notamment à l’actualisation de la législation en vigueur;

-         promouvoir l’utilisation des énergies renouvelables et des technologies de l’efficacité énergétique pour lutter contre toute forme de gaspillage des énergies;

-         adopter un régime juridique particulier visant la protection du sol contre toutes les formes de dégradation et de pollution et consacrant l’affectation du sol en fonction de sa vocation;

-         renforcer les moyens alloués à la lutte contre la désertification et à la préservation de la biodiversité, notamment dans les zones oasiennes et steppiques;

-         renforcer les moyens de lutte contre la pollution de l’air et d’adaptation aux changements climatiques;

-         promouvoir la protection des écosystèmes marins et littoraux et des zones humides contre les impacts des activités susceptibles d’en altérer ou d’épuiser les eaux et les ressources;

-         préserver et mettre en valeur les écosystèmes des zones de montagne contre toutes formes de dégradation de leurs ressources et de leur qualité environnementale;

-         préserver et mettre en valeur des sites d’intérêt biologique et écologique terrestres, littoraux et marins, et y encourager la création d’aires protégées;

-         préserver, mettre en valeur et restaurer les éléments matériels et immatériels, du patrimoine historique et culturel;

-         sauvegarder l’esthétique et le patrimoine architectural, culturel et social des villes et des espaces urbains et ruraux et la préservation des espaces verts.

 

Article 8

 

Dans le but de prévenir et de lutter contre toutes les formes de pollution et de nuisance, des mesures législatives et réglementaires sont prises. Elles visent:

-         la réforme du régime juridique des établissements où s’exercent des activités insalubres, incommodes ou dangereuses;

-         l’établissement du cadre législatif et réglementaire régissant les produits dangereux et les organismes génétiquement modifiés;

-         l’établissement d’un régime juridique relatif aux nuisances sonores, lumineuses et olfactives en vue de prévenir et mettre un terme à ces nuisances;

-         l’actualisation du cadre législatif relatif aux déchets dans le but du renforcement des aspects liés à la réduction des déchets à la source, à l’instauration d’un système de collecte sélective des déchets, à la promotion des techniques de valorisation des déchets et l’intégration du principe de responsabilité élargie et à la gestion écologique des déchets dangereux;

-         la révision du cadre législatif relatif aux études d’impact sur l’environnement, dans le but notamment d’y intégrer l’évaluation stratégique environnementale;

-         l’instauration des règles de prévention et de gestion des risques naturels et technologiques.

 

 

TITRE III

DU DEVELOPPEMENT DURABLE

 

Article 9

 

On entend par développement durable, dans la présente loi- cadre, une démarche de développement qui s’appuie dans sa mise en œuvre sur le caractère indissociable des dimensions économique, sociale, culturelle et environnementale des activités de développement et qui vise à répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures dans ce domaine.

 

Article 10

 

Le développement durable représente une valeur fondamentale que toutes les composantes de la société sont appelées à intégrer dans leurs activités. Il constitue une ligne de conduite exigée de tous les intervenants dans le processus de développement économique, social, culturel et environnemental du pays.

 

Article 11

 

La croissance de tous les secteurs et activités s’inscrit dans le cadre du développement durable. A cet effet, des efforts continus sont déployés dans le but, notamment, de réduire la pression sur les ressources naturelles utilisées, de recourir aux technologies de production propre favorable à l’environnement et de veiller à l’amélioration continue des conditions d’accessibilité de toutes les couches sociales aux produits et services de ces secteurs et activités.

 

Article 12

 

Les secteurs et activités relatifs à l’énergie, à l’eau, aux forêts, aux pêches maritimes, à l’agriculture, aux transports, au tourisme, à l’urbanisme, à la construction et au bâtiment, à la gestion des déchets et à l’industrie en général, sont considérés comme secteurs et activités disposant d’une haute potentialité de durabilité et présentant un caractère prioritaire en termes d’exigence de respect du développement durable.

 

A cet effet, les autorités gouvernementales en charge de ces secteurs et activités ainsi que les établissements compétents sont tenus de veiller à l’adoption de mesures de durabilité concrètes dans leurs modes de gestion et leurs cycles de production et à la diffusion à grande échelle de ces mesures.

 

Article 13

 

L’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics et les sociétés d’Etat veillent à intégrer les mesures inspirées du développement durable dans les politiques publiques globales et sectorielles qu’ils élaborent, en tenant compte des spécificités de chaque secteur.

 

 

Article 14

 

Dans un délai d’un an, à compter de la date de publication de la présente loi-cadre, le gouvernement adopte la stratégie nationale du développement durable.

L’élaboration de cette stratégie, son évaluation et sa révision font l’objet de coordination et de concertation.

 

Article 15

 

La stratégie nationale du développement durable prend appui sur les principes et dispositions énoncés dans la présente loi-cadre. Elle définit, notamment:

-         les orientations fondamentales pour l’établissement du cadre général d’élaboration d’une politique globale de développement durable pour le pays;

-         les principes généraux de mise en œuvre devant être respectés en vue de l’atteinte des objectifs généraux et spécifiques qu’elle énonce;

-         le dispositif d’évaluation et de suivi ainsi que les mesures d’accompagnement prévues pour sa mise en œuvre.

 

Article 16

 

Dans un délai maximum de deux ans, à compter de la date d’adoption de la stratégie nationale du développement durable, les politiques publiques globales, sectorielles et régionales en vigueur doivent être mises en cohérence avec les objectifs et orientations définis par celle-ci.