Bulletin officiel n° 6280 du 10 chaoual 1435 (7-8-2014).

 

 

TEXTES GENERAUX

 

 

Dahir n° 1-14-116 du 2 ramadan 1435 (30 juin 2014) portant promulgation de la loi

n° 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

 

 

 

LOUANGE A DIEU SEUL!

 

(Grand Sceau de Sa Majesté Mohammed VI)

 

Que l’on sache par les présentes -  puisse Dieu en élever et en fortifier la teneur!

 

 Que Notre Majesté Chérifienne,

 

Vu la Constitution, notamment ses articles 42 et 50,

 

A DECIDE CE QUI SUIT

 

Est promulguée et sera publiée au Bulletin officiel, à la suite du présent dahir, la loi n° 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence, telle qu’adoptée par la Chambre des représentants et la Chambre des conseillers.

 

 

 

Fait à Rabat, le 2 ramadan 1435 (30 juin 2014).

 

 

Pour contreseing:

 

Le Chef du gouvernement,

ABDEL-ILAH BENKIRAN.

 

 

LOI N° 104-12

relative à la liberté des prix et de la concurrence

 

TITRE I

CHAMP D'APPLICATION

 

Article 1

 

La présente loi s’applique:

1-     à toutes les personnes physiques ou morales quelles aient ou non leur siège ou des établissements au Maroc, dès lors que leurs opérations ou comportements ont pour objet ou peuvent avoir un effet sur la concurrence sur le marché marocain ou une partie substantielle de celui-ci;

2-     à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes morales de droit public lorsqu’elles agissent comme opérateurs économiques et non dans l’exercice de prérogatives de puissance publique ou de missions de service public;

3-     aux accords à l'exportation dans la mesure où leur application a une incidence sur la concurrence sur le marché intérieur marocain.

 

TITRE II

DE LA LIBERTE DES PRIX

 

Article 2

 

Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, des produits et des services sont déterminés par le jeu de la libre concurrence sous réserve des dispositions du deuxième alinéa ci-dessous et des articles 3 et 4 ci-après.

 

Les dispositions du premier alinéa ci-dessus ne s’appliquent pas aux biens, produits et services dont la liste est fixée par voie réglementaire après consultation du conseil de la concurrence.

 

Les modalités de réglementation des prix des biens, produits et services et celles de leur retrait de ladite liste sont fixées par voie réglementaire.

 

Article 3

 

Dans les secteurs ou les zones géographiques où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole de droit, soit du soutien accordé par l’administration à certains secteurs ou produits à la production ou à la commercialisation, soit de difficultés durables d’approvisionnement, soit de dispositions législatives ou réglementaires, les prix peuvent être réglementés par l’administration après consultation du conseil de la concurrence.

 

Les modalités de leur réglementation sont déterminées par voie réglementaire.

 

Article 4

 

Les dispositions des articles 2 et 3 ci-dessus ne font pas obstacle à ce que des mesures temporaires contre des hausses ou des baisses excessives de prix, motivées par des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur détermine, soient prises par l’administration, après consultation du conseil de la concurrence. La durée d’application de ces mesures ne peut excéder six (6) mois prorogeable une seule fois par l’administration.

 

Article 5

 

A la demande des organisations ou des chambres professionnelles représentant un secteur d'activité ou sur l’initiative de l’administration, les prix des biens, produits et services dont le prix peut être réglementé conformément aux articles 3 et 4 ci- dessus peuvent faire l'objet d’une homologation par l’administration après concertation avec lesdites organisations.

 

Le prix du bien, produit ou service concerné peut alors être fixé librement dans les limites prévues par l’accord intervenu entre l’administration et les organisations intéressées.

 

Si l’administration constate une violation de l’accord conclu, elle fixe le prix du bien, produit ou service concerné dans les conditions fixées par voie réglementaire.

 

TITRE III

DES PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES

 

Article 6

 

Sont prohibées, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes ou coalitions expresses ou tacites, sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, notamment lorsqu’elles tendent à:

     1-            limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises;

     2-            faire obstacle à la formation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse;

     3-            limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique;

     4-            répartir les marchés, les sources d'approvisionnement ou les marchés publics.

 

Article 7

 

Est prohibée, lorsqu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises:

1-     d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci;

2-     d'une situation de dépendance économique dans laquelle se trouve un client ou un fournisseur ne disposant d’aucune autre alternative équivalente.

 

L'abus peut notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées. Il peut consister également à imposer directement ou indirectement un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien, au prix d’une prestation de service ou à une marge commerciale.

 

 

 

 

Article 8

 

Sont prohibées les offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’éliminer à terme d’un marché, ou d’empêcher d’accéder à un marché, une entreprise ou l’un de ses produits.

 

Les coûts de commercialisation comportent également et impérativement tous les frais résultant des obligations légales et réglementaires liées à la sécurité des produits.

 

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables en cas de revente en l’état.

 

Article 9

 

Ne sont pas soumises aux dispositions des articles 6 et 7 ci-dessus les pratiques:

1-     qui résultent de l’application d’un texte législatif ou d’un texte réglementaire pris pour son application;

2-     dont les auteurs peuvent justifier qu’elles ont pour effet de contribuer au progrès économique et/ou technique, y compris par la création ou le maintien d’emplois, et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des biens, produits et services en cause. Ces pratiques ne doivent imposer des restrictions à la concurrence que dans la mesure où elles sont indispensables pour atteindre cet objectif de progrès.

 

Certaines catégories d’accords ou certains accords, notamment lorsqu’ils ont pour objet d'améliorer la gestion des petites ou moyennes entreprises ou la commercialisation par les agriculteurs de leurs produits, peuvent être reconnus comme satisfaisant aux conditions prévues au premier alinéa ci-dessus par l’administration après avis conforme du conseil de la concurrence.

 

Ne sont également pas soumis aux dispositions des articles 6 et 7 ci-dessus les accords d’importance mineure qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence, en particulier les accords entre petites ou moyennes entreprises. Les critères quantifiant ce qui ne constitue pas une restriction sensible de la concurrence seront fixés par voie réglementaire.

 

Article 10

 

Tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée en application des articles 6 et 7 ci-dessus est nul de plein droit.

 

Cette nullité peut être invoquée par les parties et par les tiers, elle ne peut être opposée aux tiers par les parties elle est éventuellement constatée par les tribunaux compétents à qui l’avis ou la décision du conseil de la concurrence, s'il en est intervenu un, doit être communiqué.

 

TITRE IV

DES OPERATIONS DE CONCENTRATION ECONOMIQUE

 

Article 11

 

Une opération de concentration est réalisée:

1-     lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent;

2-     lorsqu’une ou plusieurs personnes, détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins, acquièrent, directement ou indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou d’une partie d’une autre entreprise ou de l’ensemble ou de parties de plusieurs autres entreprises.

3-     lorsqu’une ou plusieurs entreprises acquièrent, directement ou indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou d’une partie d’une autre entreprise ou de l’ensemble ou de parties de plusieurs autres entreprises.

 

La création d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome constitue une concentration au sens du présent article.

 

Aux fins de l'application du présent titre, le contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d’exercer une influence déterminante sur l’activité d’une entreprise, et notamment:

-         des droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d'une entreprise;

-         des droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d’une entreprise.

 

Article 12

 

Toute opération de concentration doit être notifiée au conseil de la concurrence par les entreprises et les parties concernées, avant sa réalisation.

 

Cette obligation s’applique lorsqu’une des trois conditions suivantes est réalisée:

-         le chiffre d’affaires total mondial, hors taxes, de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties la concentration est supérieur au montant fixé par voie réglementaire;

-         le chiffre d’affaires total, hors taxes, réalisé au Maroc par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est supérieur au montant fixé par voie réglementaire;

-         les entreprises qui sont parties à l’acte, ou qui en sont l’objet, ou qui lui sont économiquement liées ont réalisé ensemble, durant l’année civile précédente, plus de 40% des ventes, achats ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services de même nature ou substituables, ou sur une partie substantielle de celui-ci.

 

 

Article 13

 

La notification de l’opération de concentration au conseil de la concurrence peut intervenir dès lors que la ou les parties concernées sont en mesure de présenter un projet suffisamment abouti pour permettre l'instruction du dossier et notamment lorsqu’elles ont conclu un accord de principe, signé une lettre d’intention ou dès l'annonce d’une offre publique.

 

L’obligation de notification incombe aux personnes physiques ou morales qui acquièrent le contrôle de tout ou partie d'une entreprise ou, dans le cas d'une fusion ou de la création d'une entreprise commune, à toutes les parties concernées qui doivent alors notifier conjointement. Le contenu du dossier de notification est fixé par voie réglementaire.

 

La réception de la notification d’une opération fait l’objet d'un communiqué publié par le conseil de la concurrence selon des modalités fixées par voie réglementaire.

 

Dès réception du dossier, le conseil de la concurrence adresse un exemplaire à l’administration.

 

Les entreprises ainsi que les organismes visés à l’article 5 de la loi n° 20-13 relative au conseil de la concurrence peuvent informer le conseil de la concurrence qu’une opération de concentration s’est réalisée en contravention aux dispositions de l’article 12 ci-dessus.