Bulletin Officiel n° : 3220 du 17/07/1974 - Page : 1090
Dahir portant loi n° 1-74-339 du 24 joumada II 1394 (15 juillet 1974) déterminant l'organisation des juridictions communales et d'arrondissement et fixant leur compétence.
LOUANGE A DIEU SEUL !
(Grand Sceau de Sa Majesté Hassan II)
Que lon sache par les présentes puisse Dieu en élever et en fortifier la teneur !
Que Notre Majesté Chérifienne,
Vu la constitution et notamment son article 102,
A DECIDE CE QUI SUIT :
Dispositions générales
Article 1
Il est institué pour les communes rurales des juridictions communales et pour les communes urbaines des juridictions d'arrondissement.
Chapitre premier
Recrutement, désignation et discipline
Section I
Des juges communaux et des juges d'arrondissement
Article 2
Les juridictions communales et les juridictions d'arrondissement se composent d'un juge, des agents de greffe ou de secrétariat.
Leur audience est tenue par un juge unique assisté d'un greffier ou d'un secrétaire.
Article 3
Les juges d'arrondissement et les juges communaux sont désignés parmi les magistrats, conformément aux dispositions du statut de la magistrature et parmi des personnes n'appartenant pas au corps de la magistrature ; dans ce cas, il est désigné deux suppléants à chacun des juges et les dispositions des articles 4 à 12 inclus ci-dessous sont, alors, applicables.
Section II
Des dispositions spéciales aux juges communaux
et d'arrondissement n'appartenant pas à la magistrature
Article 4
Les juges et leurs suppléants sont choisis en son sein par un collège électoral et investis par dahir pour une durée de trois ans sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature.
Article 5
Le collège électoral visé à l'article 4 ci-dessus est composé de cent personnes.
Nul ne peut être désigné comme membre du collège électoral s'il ne remplit les conditions suivantes :
1. Être de nationalité marocaine ;
2. Être âgé de quarante ans au moins ;
3. Être de bonne moralité et n'avoir jamais subi de condamnation pour crime ou délit, à l'exception des infractions involontaires ;
4. Être domicilié effectivement dans la commune ;
5. Jouir de ses droits civiques ;
6. Avoir des aptitudes lui permettant de remplir les fonctions de juge.
Ne peuvent être désignés membres du collège les fonctionnaires publics en activité, les avocats, oukils, adoul, agents d'affaires.
Les modalités de désignation des membres du collège et les conditions de fonctionnement du collège électoral sont fixées par décret.
Article 6
Les juges communaux, les juges d'arrondissement et leurs suppléants doivent prêter publiquement, au moment de leur installation, le serment suivant : « Je jure devant Dieu d'examiner de la façon la plus scrupuleuse les affaires portées devant moi et de ne trahir ni les intérêts des particuliers ni ceux de la société, de n'écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l'affection et de ne me décider que d'après les preuves ou les éléments qui me sont soumis, avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre, et de conserver le secret professionnel ».
Article 7
Les juges communaux, les juges d'arrondissement ou à l'occasion leurs suppléants, lorsqu'ils sont dans l'exercice de leurs fonctions, sont protégés contre les menaces, attaques, injures et diffamations dont ils peuvent être l'objet, dans les conditions prévues par le code pénal et les lois spéciales.
L'Etat leur assure, en outre, éventuellement, dans les conditions prévues pour les fonctionnaires, la réparation des préjudices qu'ils peuvent subir dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. Il est subrogé, le cas échéant, dans les droits et actions de la victime contre l'auteur du préjudice.
Article 8
Lorsqu'un juge communal, un juge d'arrondissement ou un juge suppléant révèle une insuffisance professionnelle, ou manque aux devoirs que lui impose l'exercice de sa fonction, le ministre de la justice, informé de ces faits, recueille les explications de l'intéressé et décide des suites à donner, dans les conditions prévues ci-après.
Article 9
Lorsque le ministre de la justice est saisi de faits qu'il estime présenter un caractère certain de gravité, il peut, par arrêté, ordonner la suspension immédiate du juge pour une durée qui ne peut excéder quatre mois.
Si, à l'expiration du délai de quatre mois aucune décision n'a été prise, le juge reprend d'office et de plein droit son activité, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, auquel cas sa suspension est maintenue et il sera sursis à statuer sur les faits jusqu'à ce que la décision pénale le concernant soit devenue irrévocable.
Le premier suppléant assume les fonctions de juge durant la suspension.
Article 10
Le juge communal, le juge d'arrondissement ou le juge suppléant qui commet des irrégularités ou manque à ses devoirs professionnels peut être révoqué par dahir sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature.
Article 11
Le juge communal, le juge d'arrondissement et les suppléants peuvent démissionner.
Article 12
Le juge communal, le juge d'arrondissement suspendu ou révoqué cesse d'exercer ses fonctions dès qu'il est avisé de la décision prononcée contre lui.
En cas de révocation, de démission ou de décès, il est procédé à la désignation du remplaçant du juge, dans les formes prévues aux articles 4 et 5 ci-dessus. Dans l'attente de cette désignation, le premier suppléant exerce les fonctions du juge.
Article 13
Les fonctions de juge communal, de juge d'arrondissement et de suppléant sont gratuites. Toutefois, ils perçoivent une indemnité pour couvrir les frais inhérents à leurs fonctions, dont le montant et les conditions d'attribution seront fixés par décret.
Section III
Des attributions de l'autorité administrative locale
Article 14
L'autorité administrative locale est chargée :
- Des notifications et de l'exécution des jugements des juridictions communales et d'arrondissement en matière civile et pénale ;
- De la transmission immédiate aux juges communaux et d'arrondissement des procès- verbaux établis par les officiers de police judiciaire et les autres agents verbalisateurs ;
- De la dénonciation au procureur du Roi, soit de sa propre initiative, soit sur la demande de l'une des parties, lorsqu'un jugement peut être déféré au tribunal de première instance pour l'un des cas prévus à l'article 21.
Chapitre II
De la compétence et de la procédure
Section I
Dispositions communes
Article 15
Les règles de compétence et de procédure tant civiles que pénales applicables devant les juridictions communales et les juridictions d'arrondissement sont celles fixées au présent dahir, sauf si une loi spéciale en dispose autrement.
Article 16
La procédure devant les juridictions communales et les juridictions d'arrondissement est orale. Elle est gratuite et exempte de tous droits ou taxes judiciaires, notamment des droits d'enregistrement.
Article 17
Les audiences des juges d'arrondissements et des juges communaux sont publiques. Leurs jugements sont rendus Au Nom de Sa Majesté le Roi et revêtus de la formule exécutoire. Ils sont consignés sur un registre spécial.
Article 18
Les parties peuvent récuser les juges communaux et les juges d'arrondissement dans les cas suivants :
- Quand le juge ou sa femme a un intérêt personnel direct ou indirect à la contestation ou si l'une des parties est son employé à gages ;
- Quand il y a parenté ou alliance entre le juge ou sa femme et l'une des parties jusqu'au degré de cousin germain inclusivement ;
- Quand il y a procès eu cours entre l'une des parties et le juge ou sa femme ou leurs ascendants ou descendants ;
- Quand le juge est créancier ou débiteur de l'une des parties ;
- Quand le juge a dû agir comme représentant légal de l'une des parties ;
- Quand il a précédemment donné son avis ou son témoignage dans le litige ;
- Quand il y a inimitié grave et notoire entre lui et l'une des parties.
Article 19
La partie qui entend récuser le juge présente sa demande dès sa comparution. Le juge doit statuer immédiatement. S'il fait droit à la demande, son suppléant pourvoit à ses fonctions. S'il rejette la demande, la procédure suit son cours.
Article 20
Les décisions du juge communal ou du juge d'arrondissement ne sont susceptibles d'aucun recours ordinaire ou extraordinaire.
Toutefois, elles peuvent être déférées, pour les cas prévus à l'article 21 ci-après au tribunal de première instance, dans les trois jours du prononcé ou de la notification soit par les parties elles-mêmes, soit dans le même délai après réception de la dénonciation prévue par l'article 14 ci-dessus par le procureur du Roi.
Le président ou son dévolutaire doit statuer dans la quinzaine. Sa décision n'est susceptible d'aucune voie de recours.
Article 21
Les cas visés à l'article 20 ci-dessus sont les suivants :
- Le jupe n'a pas respecté sa compétence ;
- Le juge a statué alors que l'une des parties l'avait récusé à bon droit ;
- Le juge a statué sans s'être assuré au préalable de l'identité des parties ;
- Le juge a condamné le défendeur sans avoir la preuve qu'il avait été touché par la notification ou la convocation.
En matière pénale la saisine du tribunal suspend l'exécution du jugement.
Section II
De la compétence et de la procédure en matière civile
Article 22
Les juges communaux et les juges d'arrondissement connaissent de toutes les actions personnelles et mobilières intentées contre les personnes résidant dans la circonscription sur laquelle ils exercent leur juridiction, si elles n'excèdent la valeur de 1.000 dirhams.
Ils connaissent également dans les conditions et le taux prévus à l'alinéa ci-dessus des demandes en paiement de loyer et des demandes en résiliation de baux non commerciaux fondées sur le défaut de paiement.
Toutefois les parties peuvent, dans les conditions prévues par les deux alinéas précédents, par accord exprès conclu devant le juge, proroger sa compétence pour les litiges dont la valeur n'excède pas 2.000 dirhams.
Cet accord doit être consigné par écrit et signé par les parties ou mention est faite qu'elles ne peuvent pas signer.
Article 23
Les juges communaux et les juges d'arrondissement ne sont pas compétents pour les litiges relatifs au statut personnel et aux affaires immobilières.
Toutefois, et dans la limite de leur compétence territoriale, ils peuvent ordonner toutes mesures ayant pour objet de mettre fin au trouble actuel de la jouissance du droit de propriété.
Article 24
Si la partie défenderesse formule une demande reconventionnelle, celle-ci ne s'ajoute pas à la demande principale pour le calcul de la valeur du litige et le juge demeure compétent pour le tout.
Dans le cas où la demande reconventionnelle elle-même excède 1.000 dirhams, le demandeur reconventionnel est invité à se mieux pourvoir.
Article 25
Le juge est saisi par une requête du demandeur. Celle-ci peut être écrite. Si elle est présentée oralement, l'objet de la demande et les motifs invoqués sont consignés par le secrétaire d'audience. Si le défendeur est présent, le juge lui expose le contenu de la demande. Il est alors procédé conformément aux dispositions de l'article 26 .Si le défendeur n'est pas présent, la requête du demandeur lui est notifiée immédiatement sur ordre du juge. Cette notification comporte convocation à une audience qui ne devrait pas être éloignée de plus de huit jours.
Article 26
Le juge entend les explications des parties, examine leurs moyens et tente de les concilier. Il constate cette conciliation par écrit.
S'il échoue dans cette tentative, il rend immédiatement son jugement.
Le juge peut, toutefois ordonner toutes mesures d'instruction et se faire produire dans les conditions de forme ou de délais qu'il estime utiles tous moyens de preuve, notamment faire comparaître les témoins ou recueillir l'avis des personnes qualifiées.
Article 27
Lorsque le juge s'estime suffisamment éclairé, il rend son jugement selon les éléments dont il dispose. Si les parties sont présentes au moment où la sentence est prononcée, la décision n'a pas à être notifiée et doit être exécutée après expiration du délai de trois jours, sauf au juge à accorder des délais raisonnables en cas de nécessité.
Si la partie condamnée est absente au moment où le jugement est prononcé, le juge en ordonne notification et il est procédé à l'exécution dans les trois jours de la notification.
Section III
De la compétence en matière pénale et de la procédure
Article 28
Les juges communaux et les juges d'arrondissement sont compétents pour connaître des infractions prévues aux articles suivants, lorsqu'elles ont été commises dans la circonscription sur laquelle ils exercent leur juridiction ou lorsque l'auteur y est domicilié.
Article 29
Les auteurs des infractions énumérées ci-après, sont puni