Dahir n° 1-97-84 du 23 kaada 1417 (2 avril 1997) portant promulgation de la loi n° 47-96 relative à l'organisation de la région

Bulletin Officiel n° : 4470  du  03/04/1997 - Page : 292

 

Dahir n° 1-97-84 du 23 kaada 1417 (2 avril 1997) portant promulgation

de la loi n° 47-96  relative à l'organisation de la région

 

Louange à Dieu seul !

 

(Grand Sceau de Sa Majesté Hassan II)

 

Que l'on sache par les présentes - puisse Dieu en élever et en fortifier la teneur !

 

Que Notre Majesté Chérifienne,

 

Vu la Constitution, notamment son article 26,

 

 

A décidé ce qui suit :

 

Est promulguée et sera publiée au Bulletin officiel, à la suite du présent dahir, la loi                        n° 47-96  relative à l'organisation de la région, adoptée par la Chambre des représentants le 17 kaada 1417 (27 mars 1997).

 

Fait à Rabat, le 23 kaada 1417 (2 avril 1997)

 

Pour contreseing :

 

Le Premier ministre,

 

ABDELLATIF FILALI

 

 

Loi n° 47-96

Relative à l'organisation de la région

 

Exposé des motifs

La région s'inscrit dans le cadre de l'édification d'un Maroc moderne que Sa Majesté Le Roi Hassan II n'a cessé d'appeler de Ses vœux et dont Il a assuré la mise en place progressive et adaptée.

La région a, en effet, depuis toujours, occupé une place de choix dans la pensée et la stratégie royales visant à doter le Maroc d'un Etat moderne à la fois attaché à ses traditions ancestrales marquées par le rôle dynamique et enrichissant de la composante locale et régionale et, en même temps, apte à relever avec les meilleures chances de succès les défis de son temps.

 

De par ses atouts naturels où l'unité se conjugue harmonieusement avec la diversité  géographique, humaine, culturelle et économique, et grâce au dessein généreux que lui a savamment planifié et progressivement concrétisé son Souverain, le Maroc d'aujourd'hui, après avoir engrangé les premiers fruits de la démocratie et de la décentralisation, a atteint la maturité nécessaire qui lui permet de s'engager dans une nouvelle étape d'approfondissement de la démocratie locale que la régionalisation mettra au service d'un mieux-être économique et social.

 

De fait, la région s'avère un cadre approprié et une pièce maîtresse à même de compléter et de parfaire l'édifice institutionnel du Royaume, dans la mesure où elle fournira une instance nouvelle où les représentants des populations pourront débattre démocratiquement, à travers leurs élus au sein des collectivités locales et des organisations socio-professionnelles, des aspirations et des projets de leur région et enclencher une dynamique spécifique d'émulation et de développement régional intégré.

 

Ce nouvel espace de débat, de concertation et de formation à la chose publique doit indubitablement permettre encore davantage l'ancrage de la démocratie au niveau local grâce à une plus large prise en charge par les citoyens eux-mêmes de leurs affaires. Cet acquis démocratique au niveau régional ne peut que rejaillir positivement au plan national, dans la mesure où, désormais, le cadre régional constitue une base de représentation nationale à la Chambre des conseillers.

 

La création de la région conforte la décentralisation non seulement en instituant une nouvelle collectivité locale dans la plénitude de ses prérogatives, mais également en mettant au service de la régionalisation toutes les potentialités que recèle la déconcentration. En effet, en instaurant une meilleure coordination des services extérieurs de l'Etat au niveau local, sous l'autorité du gouverneur qui est en même temps un agent de l'Etat au service de la région, celle-ci bénéficiera d'incontestables atouts pour s'acquitter avantageusement de ses missions.

 

Par ailleurs, la déconcentration devra assurer une administration de proximité, rapprocher celle-ci davantage des citoyens et réduire les méfaits de la routine administrative.

 

Au-delà de ces incontestables vertus, l'essence de la création de la région est d'abord et surtout, comme l'a souligné à maintes reprises Sa Majesté Le Roi, un espace de développement économique et social. Dans cette perspective, la région va identifier et sérier ses potentialités, ses besoins et planifier ses priorités. De ce fait, les pouvoirs publics seront à même d'apporter la contribution adéquate aux niveaux techniques et financiers pour soutenir les actions de développement impulsées par la région dans une démarche permanente de concertation. Ceci permettra une meilleure allocation des ressources nationales en vue de réduire à terme les disparités régionales. Ainsi, le Maroc se sera doté d'un nouvel instrument de solidarité qui ne peut que renforcer la cohésion nationale qui constitue le ciment de l'identité marocaine.

 

Il s'agit donc de mettre en place une entité formant un ensemble intégré et vivant, soucieuse de la complémentarité de ses composantes et mettant à profit les compétences qui lui sont dévolues et les moyens dont elle disposera. La région a, d'ailleurs, toujours été omniprésente dans les grands chantiers à caractère économique et social initiés par Sa Majesté Le Roi. En effet, la recherche de l'équilibre régional a sous-tendu les politiques d'édification des barrages et de la mise en place des infrastructures de base, de la mise en valeur agricole, de la planification, de l'aménagement du territoire, de l'emploi, de l'éducation, de l'implantation de l'administration, de l'urbanisation et, de manière générale, de tous les investissements réalisés par l'Etat et les établissements publics. De même, lorsqu'il s'est agi d'engager le Maroc dans une politique de privatisation, Sa Majesté Le Roi n'a pas manqué, dans Son Discours du 8 avril 1988 devant la Chambre des représentants, d'inscrire cette opération dans le cadre de la régionalisation.

 

Les attributions de la région, instrument essentiel et novateur du développement économique et social, s'adosseront à un financement multiple et conséquent.

 

De fait, la région puisera ses moyens aussi bien à travers la mobilisation de ses ressources propres, à l'instar des autres collectivités locales, que par le biais de l'affectation d'une part d'impôts nationaux tels que, à titre d'exemple, l'impôt sur les sociétés et l'impôt général sur le revenu. Il sera institué, conformément à la législation en vigueur, un fonds de péréquation et de développement régional qui permettra, au moyen de subventions de l'Etat et de la mise en œuvre de la solidarité inter-régionale, de promouvoir le développement et de réduire les disparités régionales.

 

Comme tout grand dessein, la régionalisation a été mise à l'épreuve de la maturation. Ainsi, après avoir été expérimentée dans le cadre du dahir du 16 juin 1971 portant création des régions économiques, elle a été érigée en collectivité locale par la Constitution révisée en 1992. Désormais, depuis le Discours royal du 20 août 1996 et l'adoption, le 13 septembre 1996, par le peuple marocain de la révision constitutionnelle, la région bénéficie d'un nouveau cadre juridique que la présente loi définit.

 

La présente loi fixe les compétences et les ressources financières de la région, qui fonctionne en tant que collectivité locale dotée d'un conseil jouissant d'un pouvoir délibératif et de contrôle sur l'autorité exécutive (le gouverneur du chef-lieu de la région) à travers un mécanisme novateur qui privilégie la concertation, l'information et la collaboration.

 

La tutelle, quant à elle, sera exercée sous le contrôle du tribunal administratif et la régularité de la gestion budgétaire et financière est garantie par l'intervention de la Cour régionale des comptes.

 

En définitive, la présente loi vise à répondre aux attentes et aux aspirations au mieux-être du peuple marocain. La mise en place et l'organisation de la région fournissent un atout supplémentaire aux forces vives de la Nation en vue de contribuer au développement du Maroc du XXIe siècle.

 

Titre premier

 

Chapitre unique

Dispositions générales

 

Article 1

Les régions, instituées par l'article 100 de la Constitution, sont des collectivités locales dotées de la personnalité morale et de l'autonomie financière.

 

Les régions ont pour mission, dans le respect des attributions dévolues aux autres collectivités locales, de contribuer au développement économique, social et culturel de la collectivité régionale, le cas échéant, en collaboration avec l'Etat et lesdites collectivités.

 

Les affaires de la région sont librement gérées par un conseil démocratiquement élu pour une durée de six ans, conformément à la législation en vigueur.

 

Le conseil règle, également, par ses délibérations les affaires qui sont transférées par l'Etat à la région.

 

Le gouverneur du chef-lieu de la région assure l'exécution des délibérations du conseil régional dans les conditions fixées par la présente loi.

 

Le conseil régional ne peut délibérer sur des affaires à caractère politique ou étrangères aux questions d'intérêt régional.

 

Article 2

La création et l'organisation des régions ne peuvent, en aucun cas, porter atteinte à l'unité de la Nation et à l'intégrité territoriale du Royaume.

 

Article 3

Conformément à la législation en vigueur, le conseil régional est composé de représentants élus des collectivités locales, des chambres professionnelles et des salariés.

 

Il comprend également les membres du parlement élus dans le cadre de la région ainsi que les présidents des assemblées préfectorales et provinciales sises dans la région qui assistent à ses réunions avec voix consultative.

 

Article 4

Le nombre, le nom, les limites territoriales et le chef-lieu des régions sont fixés par décret. Le nombre des conseillers à élire dans chaque région ainsi que la répartition des sièges entre les divers collèges électoraux sont fixés conformément à la législation en vigueur.

 

La délimitation de la région a pour finalité la constitution d'un ensemble homogène et intégré. Elle doit répondre au souci de cohésion des composantes territoriales de la région, compte tenu des potentialités et des spécificités économiques, sociales et humaines desdites composantes, de leur complémentarité et de leur contiguïté géographique.

 

Article 5

Dans le cadre de leurs compétences, les régions peuvent établir une coopération entre elles ou avec d'autres collectivités locales, conformément aux dispositions du titre VI de la présente loi.

 

La coopération inter-régionale ou avec d'autres collectivités locales ne peut avoir pour conséquence l'établissement d'une tutelle d'une collectivité sur une autre.

 

Titre II

 

Chapitre unique

Attributions du conseil régional

 

Article 6

Le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région, et, à cet effet, décide des mesures à prendre pour lui assurer son plein développement économique, social et culturel, et ce, dans le respect des attributions dévolues aux autres collectivités locales.

 

Il exerce des compétences propres et des compétences qui lui sont transférées par l'Etat.

 

Il peut, en outre, faire des propositions et des suggestions et émettre des avis sur les actions d'intérêt général, intéressant la région, relevant de la compétence de l'Etat ou de toute autre personne morale de droit public.

 

Pour l'accomplissement des missions qui lui sont imparties par la présente loi, le conseil bénéficie du concours de l'Etat et d'autres personnes morales de droit public.

 

Article 7

Dans les limites du ressort territorial de la région, le conseil régional exerce, à titre de compétences propres et conformément aux lois et règlements en vigueur, les attributions suivantes :

1.        Il examine et vote le budget, examine et approuve les comptes administratifs dans les formes et conditions prévues par la présente loi.

2.        Il élabore le plan de développement économique et social de la région, conformément aux orientations et objectifs retenus par le plan national de développement et dans la limite des moyens propres et de ceux mis à sa disposition. Le plan de développement économique et social de la région est transmis par le conseil régional au conseil supérieur de la promotion nationale et du plan pour approbation.

3.        Il élabore un schéma régional d'aménagement du territoire, conformément aux orientations et objectifs retenus au niveau national. Ce schéma est transmis par le conseil régional au comité interministériel d'aménagement du territoire pour approbation.

4.        Il fixe, dans le cadre des lois et règlements en vigueur, le mode d'assiette, les tarifs et les règles de perception des taxes, redevances et droits divers perçus au profit de la région .

5.        Il engage les actions nécessaires à la promotion des investissements privés et encourage la réalisation de ces investissements, notamment par l'implantation et l'organisation de zones industrielles et de zones d'activités économiques.

6.        Il décide de la participation de la région aux entreprises d'économie mixte d'intérêt régional ou inter-régional.

7.        Il adopte toutes mesures en matière de formation professionnelle :

8.        I1 engage les actions nécessaires à la promotion de l'emploi, dans le cadre des  orientations fixées à l'échelle nationale.

9.        I1 engage des actions dans le domaine de la promotion du sport.

10.      II adopte toutes mesures tendant à la protection de l’environnement.

11.     Il adopte les mesures visant à rationaliser la gestion des ressources hydrauliques au niveau de la région. A cet effet, il concourt à l'établissement du plan directeur d'aménagement intégré des eaux du bassin hydraulique lorsque le territoire de la région se trouve en totalité ou en partie dans ledit bassin et contribue à l'élaboration de la politique de l'eau au niveau national, lorsque son avis est demandé par les instances et organismes compétents.

12.     Il adopte les mesures nécessaires à la promotion des activités socioculturelles.

13.     Il engage des actions en vue de promouvoir et de soutenir toute action de solidarité  sociale et toute mesure à caractère caritatif.

14.    Il veille à la préservation et à la promotion des spécificités architecturales régionales.

 

Article 8

Dans les limites du ressort territorial de la région, le conseil régional exerce les compétences qui pourront lui être transférées par l'Etat, notamment en matière de :

1.          Réalisation et entretien d'hôpitaux, de lycées et d'établissements universitaires et attribution  de  bourses d'études, en fonction des orientations retenues par l'Etat en la matière.

2.        Formation des agents et cadres des collectivités locales.

3.         Equipements d'intérêt régional.

 

Tout transfert de compétences ou de charges de l'Etat aux régions s'accompagne nécessairement du transfert des ressources correspondantes, notamment des crédits. Il s'effectue conformément à l'acte législatif ou réglementaire approprié à sa nature.

 

En outre, les régions peuvent entreprendre toute action nécessaire au développement régional, en collaboration avec l'Etat ou tout au