1902 BULLETIN OFFiCIEL N° 5964 bis-- 28 chaabane 1432(30-7-2011)

Bulletin officiel n° 5964 bis du 28 chaabane 1432 (30/07/2011)

 

 

Dahir n° 1-11-91 du 27 chaabane 1432 (29 juillet 2011)

Portant promulgation du texte de la Constitution

 

 

 

LOUANGE A DIEU SEUL!

(Grand Sceau de Sa Majesté Mohammed VI)

 

Que l’on sache par les présentes - Puisse Dieu en élever et en fortifier la teneur!

 

Que Notre Majesté Chérifienne;

 

Vu la Constitution, notamment ses articles 29 et 105 ;

 

Vu le dahir n° 1-11-82  du 14 rejeb 1432 (17 juin 2011) soumettant à référendum le projet de la constitution;

 

Vu la loi organique n° 29-93   relative au conseil constitutionnel, promulguée par le dahir n° 1-94-124  du 14 ramadan 1414 (25 février 1994), telle qu'elle a été modifiée et complétée, notamment ses articles 36 et 37;

 

Vu les résultats du référendum sur le projet de la Constitution qui a eu lieu le vendredi 28 rejeb 1432 (1er juillet 2011), proclamés par le Conseil constitutionnel par décision n° 815-2011  du 12 chaabane 1432 (14 juillet 2011),

 

 

 

A DECIDE CE QUI SUIT:

Est promulgué et sera publié au Bulletin officiel, à la suite du présent dahir, le texte de la Constitution, tel qu'adopté par voie de référendum le vendredi 28 rejeb 1432 (1er juillet 2011).

 

Fait à Tétouan, le 27 chaabane 1432 (29 juillet 2011).

 

 

LA CONSTITUTION


PREAMBULE

Fidèle à son choix irréversible de construire un Etat de droit démocratique, le Royaume du Maroc poursuit résolument le processus de consolidation et de renforcement des institutions d’un Etat moderne, ayant pour fondements les principes de participation, de pluralisme et de bonne gouvernance. Il développe une société solidaire où tous jouissent de la sécurité, de la liberté, de l’égalité des chances, du respect de leur dignité et de la justice sociale, dans le cadre du principe de corrélation entre les droits et les devoirs de la citoyenneté.


Etat musulman souverain, attaché à son unité nationale et à son intégrité territoriale, le Royaume du Maroc entend préserver, dans sa plénitude et sa diversité, son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen. La prééminence accordée à la religion musulmane dans ce référentiel national va de pair avec l’attachement du peuple marocain aux valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde.


Mesurant l’impératif de renforcer le rôle qui lui revient sur la scène internationale, le Royaume du Maroc, membre actif au sein des organisations internationales, s'engage à souscrire aux principes, droits et obligations énoncés dans leurs chartes et conventions respectives ; il réaffirme son attachement aux droits de l’Homme tels qu’ils sont universellement reconnus, ainsi que sa volonté de continuer à œuvrer pour préserver la paix et la sécurité dans le monde.

 
Se fondant sur ces valeurs et ces principes immuables, et fort de sa ferme volonté de raffermir les liens de fraternité, de coopération, de solidarité et de partenariat constructif avec les autres Etats, et d’œuvrer pour le progrès commun, le Royaume du Maroc, Etat uni, totalement souverain, appartenant au Grand Maghreb, réaffirme ce qui suit et s’y engage:

-         œuvrer à la construction de l’Union du Maghreb, comme option stratégique;

-         approfondir les liens d’appartenance à la Oumma arabe et islamique, et renforcer les liens de fraternité et de solidarité avec ses peuples frères;

-         consolider les relations de coopération et de solidarité avec les peuples et les pays d’Afrique, notamment les pays subsahariens et du Sahel;

-         intensifier les relations de coopération, de rapprochement et de partenariat avec les pays du voisinage euro- méditerranéen;

-         élargir et diversifier ses relations d’amitié et ses rapports d’échanges humains, économiques, scientifiques, techniques et culturels avec tous les pays du monde;

-         renforcer la coopération Sud-Sud;

-         protéger et promouvoir les dispositifs des droits de l’Homme et du droit international humanitaire et contribuer à leur développement dans leur indivisibilité et leur universalité;

-         bannir et combattre toute discrimination à l’encontre de quiconque, en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de l’origine sociale ou régionale, de la langue, du handicap ou de quelque circonstance personnelle que ce soit;

-         accorder aux conventions internationales dûment ratifiées par lui, dans le cadre des dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, dans le respect de son identité nationale immuable, et dès la publication de ces conventions, la primauté sur le droit interne du pays, et harmoniser en conséquence les dispositions pertinentes de sa législation nationale.


Ce préambule fait partie intégrante de la présente Constitution.

 

TITRE I

DISPOSITIONS GENERALES

 

Article 1

Le Maroc est une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale.

Le régime constitutionnel du Royaume est fondé sur la séparation, l’équilibre et la collaboration des pouvoirs, ainsi que sur la démocratie citoyenne et participative, et les principes de bonne gouvernance et de la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes.

La Nation s’appuie dans sa vie collective sur des constantes fédératrices, en l'occurrence la religion musulmane modérée, l’unité nationale aux affluents multiples, la monarchie constitutionnelle et le choix démocratique.

L’organisation territoriale du Royaume est décentralisée. El1e est fondée sur une régionalisation avancée.


Article 2

La souveraineté appartient à la Nation qui l’exerce directement, par voie de référendum, et indirectement, par l'intermédiaire de ses représentants.

La  Nation choisit ses représentants au sein des institutions élues par voie de suffrages libres, sincères et réguliers.


Article 3

L’islam est la religion de l’Etat, qui garantit à tout le libre exercice des cultes.


Article 4

L’emblème du Royaume est le drapeau rouge frappé en son centre d’une étoile verte à cinq branches.

La devise du Royaume est DIEU, LA PATRIE, LE ROI.

 

Article 5

L’arabe demeure la langue officielle de l’Etat.

L’Etat œuvre à la protection et au développement de la langue arabe, ainsi qu’à la promotion de son utilisation.

De même, l’amazighe constitue une langue officielle de l’Etat, en tant que patrimoine commun de tous les Marocains sans exception.

Une loi organique définit le processus de mise en œuvre du caractère officiel de cette langue, ainsi que les modalités de son intégration dans l’enseignement et dans les domaines prioritaires de la vie publique, et ce afin de lui permettre de remplir à terme sa fonction de langue officielle.

L’Etat œuvre à la préservation du Hassani, en tant que partie intégrante de l’identité culturelle marocaine unie, ainsi qu’à la protection des parlers et des expressions culturelles pratiqués au Maroc. De même, il veille à la cohérence de la politique linguistique et culturelle nationale et à l’apprentissage et la maîtrise des langues étrangères les plus utilisées dans le monde, en tant qu’outils de communication, d’intégration et d’interaction avec la société du savoir, et d’ouverture sur les différentes cultures et sur les civilisations contemporaines.

Il est créé un Conseil national des langues et de la culture marocaine, chargé notamment de la protection et du développement des langues arabe et amazighe et des diverses expressions culturelles marocaines, qui constituent un patrimoine authentique et une source d’inspiration contemporaine. Il regroupe l’ensemble des institutions concernées par ces domaines. Une loi organique en détermine les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement.


Article 6

La loi est l’expression suprême de la volonté de la Nation. Tous, personnes physiques ou morales, y compris les pouvoirs publics, sont égaux devant elle et tenus de s’y soumettre.

Les pouvoirs publics œuvrent à la création des conditions permettant de généraliser l’effectivité de la liberté et de l’égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi que de leur participation à la vie politique, économique, culturelle et sociale.

Sont affirmés les principes de constitutionnalité, de hiérarchie et d’obligation de publication des normes juridiques.

La loi ne peut avoir d’effet rétroactif.

 

Article 7

Les partis politiques œuvrent à l’encadrement et à la formation politique des citoyennes et des citoyens, ainsi qu’à la promotion de leur participation à la vie nationale et à la gestion des affaires publiques. Ils concourent à l’expression de la volonté des électeurs et participent à l’exercice du pouvoir, sur la base du pluralisme et de l’alternance par les moyens démocratiques, dans le cadre des institutions constitutionnelles.

Leur constitution et l’exercice de leurs activités sont libres, dans le respect de la Constitution et de la loi.

Le régime du parti unique est illégal.

Les partis politiques ne peuvent être fondés sur une base religieuse, linguistique, ethnique ou régionale, ou, d’une manière générale, sur toute autre base discriminatoire ou contraire aux droits de l’Homme.

Ils ne peuvent avoir pour but de porter atteinte à la religion musulmane, au régime monarchique, aux principes constitutionnels, aux fondements démocratiques ou à l’unité nationale et l’intégrité territoriale du Royaume.

L’organisation et le fonctionnement des partis politiques doivent être conformes aux principes démocratiques.

Une loi organique détermine, dans le cadre des principes énoncés au présent article, les règles relatives notamment à la constitution et aux activités des partis politiques, aux critères d’octroi du soutien financier de l’Etat, ainsi qu’aux modalités  de contrôle de leur financement.

 

Article 8

Les organisations syndicales des salariés, les chambres professionnelles et les organisations professionnelles des employeurs contribuent à la défense et à la promotion des droits et des intérêts socioéconomiques des catégories qu’elles représentent. Leur constitution et l’exercice de leurs activités, dans le respect de la Constitution et de la loi, sont libres.

Les structures et le fonctionnement de ces organisations doivent être conformes aux principes démocratiques.

Les pouvoirs publics œuvrent à la promotion de la négociation collective et à l’encouragement de la conclusion de conventions collectives de travail dans les conditions prévues par la loi.

La loi détermine notamment les règles relatives à la constitution des organisations syndicales, à leurs activités et aux critères d’octroi du soutien financier de l’Etat, ainsi qu’aux modalités de contrôle de leur financement.


Article 9

Les partis politiques et les organisations syndicales ne peuvent être dissous ou suspendus par les pouvoirs publics qu’en vertu d’une décision de justice.

 

Article 10

La Constitution garantit à l’opposition parlementaire un statut lui conférant des droits à même de lui permettre de s’acquitter convenablement de ses missions afférentes au travail parlementaire et à la vie politique.


Elle garantit à l’opposition, notamment, les droits suivants:

-         la liberté d’opinion, d’expression et de réunion;

-         un temps d’antenne au niveau des médias publics, proportionnel à leur représentativité;

-         le bénéfice du financement public, conformément aux dispositions de la loi;

-         la participation effective à la procédure législative, notamment par l’inscription de propositions de loi à l’ordre du jour des deux Chambres du Parlement;

-         la participation effective au contrôle du travail gouvernemental, notamment à travers les motions de censure et l’interpellation du gouvernement, les questions orales adressées au gouvernement et les commissions d’enquête parlementaires;

-         la contribution à la proposition de candidats et à l’élection de membres de la Cour Constitutionnelle;

-         une représentation appropriée aux activités internes des deux Chambres du Parlement;

-         la présidence de la commission en charge de la législation à la Chambre des Représentants;

-         la mise à sa disposition de moyens appropriés pour assumer ses fonctions institutionnelles;

-         la participation active à la diplomatie parlementaire en vue de la défense des justes causes de la Nation et de ses intérêts vitaux;

-         la contribution à l’encadrement et à la représentation des citoyennes et des citoyens à travers les partis politiques qui la forment et ce, conformément aux dispositions de l’article 7 de la présente Constitution;

-         l’exercice du pouvoir aux plans local, régional et national, à travers l’alternance démocratique, et dans le cadre des dispositions de la présente Constitution.


Les groupes de l’opposition sont tenus d’apporter une contribution active et constructive au travail parlementaire.

Les modalités d’exercice, par les groupes de l’opposition, des droits susvisés sont fixées, selon le cas, par des lois organiques, par des lois ou encore, par le règlement intérieur de chaque Chambre du Parlement.


Article 11

Les élections libres, sincères et transparentes constituent le fondement de la légitimité de la représentation démocratique.


Les pouvoirs publics sont tenus d’observer la stricte neutralité vis-à-vis des candidats et la non-discrimination entre eux.

La loi définit les règles garantissant l’accès équitable aux médias publics et le plein exercice des libertés et des droits fondamentaux liés aux campagnes électorales et aux opérations de vote. Les autorités en charge de l’organisation des élections veillent à l’application de ces règles.

La loi définit les conditions et les modalités de l’observation indépendante et neutre des élections, en conformité avec les normes internationalement reconnues.

Toute personne qui porte atteinte aux dispositions et règles de probité, de sincérité et de transparence des élections est punie par la loi.

Les pouvoirs publics mettent en œuvre les moyens nécessaires à la promotion de la participation des citoyennes et des citoyens aux élections.


Article 12

Les associations de la société civile et les organisations non gouvernementales se constituent et exercent leurs activités en toute liberté, dans le respect de la Constitution et de la loi.

Elles ne peuvent être dissoutes ou suspendues, par les pouvoirs publics, qu’en vertu d’une décision de justice.

Les associations intéressées à la chose publique et les organisations non gouvernementales, contribuent, dans le cadre de la démocratie participative, à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des décisions et des projets des institutions élues et des pouvoirs publics. Ces institutions et pouvoirs doivent organiser cette contribution conformément aux conditions et modalités fixées par la loi.

L’organisation et le fonctionnement des associations et des organisations non gouvernementales doivent être conformes aux principes démocratiques.